La course au profit contre la qualité de service ?

par FRANCK JAKUBEK
Publié le 28 juin 2019 à 19:32

Antoine Paris est un Mohican. Il le sait. Il n’a pourtant qu’à peine quarante ans. « Je suis l’un des plus jeunes fonctionnaires en activité à La Poste ». Recruté en décembre 2000 par voie de concours, le dernier organisé, il est collecteur d’entreprise sur la plateforme de distribution de courrier (PDC) de Lille -Hellemmes, et son équipe est basée à Villeneuve-d’Ascq.

Avec un père et un oncle postiers, il connaissait bien l’esprit maison et n’arrivait pas en terre inconnue. D’abord affecté dans le Val-d’Oise, à Garges-lès-Gonesse, il revient à Lille en 2010. Facteur jusqu’en 2014, il est désormais collecteur d’entreprise. Késaco ? « Je fais des collectes dans les entreprises sur une plage horaire en moyenne de 14h30 à 17h30 ».

En fait, il procède au ramassage du courrier, des colis, auprès des entreprises qui ont signé un contrat, payant, avec La Poste pour cette relève à domicile. Il assure aussi le relevage des boîtes aux lettres aux heures de levée, ainsi que sur les bureaux de poste, il s’occupe aussi de la distribution de colis. Et de nouvelles prestations... Un exemple ? « Ça peut être une collecte ponctuelle d’une vingtaine de colis pour le compte d’une entreprise, un reprise de colis négociée contre paiement par le commercial ».

Le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) a récemment été informé qu’un partenariat avait été conclu avec L’Oréal pour une distribution de produits inflammables (en fait des bombes de laque) chez des coiffeurs liés à la marque. Le métier évolue donc, de facteurs, nos postiers deviendraient-ils livreurs ? « Nous constatons une réduction de nos effectifs, due pour partie aux départs en retraite non remplacés, ce qui provoque un allongement des tournées, avec un recours massif aux intérimaires, aux CDD, pour des périodes très courtes, parfois deux jours » . Précarité doublée d’un nombre grandissant de tournées «  laissées à découvert » , c’est-à- dire pas distribuées, faute de personnel. Le service public n’est plus la priorité à La Poste. L’objectif, c’est la rentabilité. L’entreprise a engrangé 892 millions d’euros de bénéfices en 2018. Pour la proximité, faites un courrier !

Antoine déplore aussi les fermetures de bureaux, les regroupements de service. « De petites unités où tout le monde se connaît sont rattachées à des gros sites », c’est le cas pour Wambrechies, Marcq, la Madeleine... Les facteurs ne sont plus attachés à leurs bureaux de poste. Leur direction, leur service des ressources humaines se trouve à Lille. Pour la proximité, faites un courrier !

La sous-traitance est de plus en plus sollicitée, avec une main-d’œuvre moins payée, pas toujours bien formée, qui enchaîne parfois des vacations de trois heures par jour... « Avec un public fragilisé par la précarité, il y a beaucoup de turn-over » , confie Antoine, par ailleurs élu CGT au CHSCT.

C’est un secteur où l’implantation syndicale devient compliquée, faute de personnels réguliers ; et c’est pourtant par la construction d’une organisation que les salariés pourront mieux affronter les choix de l’entreprise et faire entendre leurs propositions. Pour Antoine Paris, comme pour ses collègues, la culture du service public est la priorité.

« La Poste est connue pour son sérieux, pour son savoir-faire. Nous sommes consciencieux. Les agents sont attachés au service public, au service des usagers » , rappelle-t-il.

Décidément, La Poste, ce sont les salariés qui la défendent le mieux, non ?

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