Photo d’illustration/iStock
Timbre rouge et tournée du facteur

Compliqué comme une lettre à la Poste

par JEAN-LOUIS BOUZIN
Publié le 13 janvier 2023 à 16:24

La disparition du timbre rouge ne relève pas de l’anecdotique, tout comme celle de la tournée quotidienne du facteur bientôt en expérimentation à Armentières et Carvin.

C’est, paraît-il, l’une des grandes nouveautés de l’année 2023. Le timbre rouge qui assurait aux courriers urgents d’être distribués en 24 heures, c’est fini et bien fini. Enfin, pas tout à fait... Consciente de supprimer un service, peut-être moins utilisé mais pouvant quand même s’avérer utile, la direction de la Poste a imaginé une autre façon de faire. Au lieu d’aller acheter « bêtement » un timbre à coller sur une enveloppe dans laquelle on glisse la lettre ou le document à expédier, on doit désormais... Et là, tout se complique. On doit désormais taper son courrier sur le site internet de la Poste ou le numériser puis le joindre en PDF.

Étapes multipliées

Bien sûr, il faut avoir un ordinateur. On peut s’en étonner, mais 8 millions de nos concitoyens n’en ont pas (selon l’Insee). Et plus d’un tiers des utilisateurs d’Internet manquent de connaissances de base. Une fois donc tapée sur le site de la Poste, la lettre sera transmise à l’antenne la plus proche du destinataire. Là, un postier dématérialisera le courrier pour l’imprimer, puis fera ce que l’expéditeur faisait jusqu’ici : il le mettra sous pli et l’enverra au destinataire ! Autrement dit, les étapes seront multipliées. Honnêtement, on peut craindre qu’il faille désormais parfois plus de 24 heures avec cette nouvelle méthode pour faire parvenir une missive urgente. Si on est un peu perdu, on peut aussi prendre rendez-vous avec un conseiller de la Poste, en sachant que chaque commune ne dispose pas d’un bureau. Autrement dit, il faudra se déplacer, pas toujours simple dans certains secteurs. Et puis, plus question d’envoyer par le biais de cette lettre numérique un chèque ou une feuille de soins à la Sécurité sociale. Il faudra, pour cela, se rabattre sur le lettre verte, distribuée trois jours après son affranchissement. Ou sur la « lettre service plus », distribuée en deux jours, qui va donc deux fois moins vite (qu’avec un timbre rouge), mais coûte deux fois plus. Quant aux recommandés, ils sont chers et lents. Autre question, et non des moindres : quid du caractère privé de la correspondance ? Forcément, les employés de la Poste auront accès aux contenus. Des professions qui ont régulièrement recours aux courriers urgents et confidentiels, comme les avocats, s’en émeuvent. Dans cette affaire, la Poste semble avoir pris le parti de faire compliqué plutôt que simple. Elle voudrait détourner les usagers de ses services (pour justifier leur suppression) qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Il est évident que l’expéditeur, à l’aise avec internet, aura tout intérêt à envoyer son courrier par mail directement au destinataire (si celui-ci est en capacité de le recevoir) plutôt que de passer par cette usine à gaz. L’autre annonce de la Poste, intervenue quelques jours plus tard, va dans le même sens de la réduction des offres de service public. Dès le mois de mars, 68 communes, dont Armentières et Carvin, expérimenteront les tournées de facteur à la carte. Là aussi, fini le facteur qui effectuait, six jours sur sept, le même circuit. Celui-ci changera chaque jour en fonction d’un critère : seuls les colis, la presse ou les recommandés seront distribués quotidiennement. Le reste attendra. Dans beaucoup d’endroits, le facteur ou la factrice constituent les derniers représentants du service public en contact avec les citoyens. Veut-on, à terme, les faire disparaître ?