Entretien avec Gérard Miroux, à Dunkerque

« L’eau n’est pas une marchandise »

Publié le 19 janvier 2021 à 11:21

Animateur de la commission eau et assainissement de la section Dunkerque-Littoral du PCF, Gérard Miroux a adressé une « lettre ouverte » aux élus de la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD), en particulier au président, Patrice Vergriete, et son vice-président, Bertrand Ringot, chargé de la politique de l’eau, de l’assainissement et de la prévention des inon- dations. Il nous explique le combat des communistes pour une gestion publique de l’eau.

En septembre 2020 déjà, vous adressiez une « lettre ouverte » aux élus. En quoi la gestion de l’eau vous préoccupe-t-elle particulièrement ? L’eau est un bien, un besoin de l’humanité, pas une marchandise. Dès mai 2014, dans la perspective de la fin de la délégation de service public (DSP) confiée jusqu’en octobre 2017 au groupe privé Suez-Lyonnaise des eaux, nous nous étions mobilisés pour un retour à une gestion publique de l’eau. La section du Parti communiste Dunkerque-Littoral s’était dotée d’une commission « Eau et Assainissement » que j’anime. Un collectif « eau » rassemblant partis, syndicats, associations, s’était constitué en octobre 2015. La CUD avait organisé des ateliers éco-citoyens et des forums d’experts... pour finalement confier une nouvelle DSP à Suez. En septembre dernier, alors qu’une soixantaine de départements étaient déclarés en sécheresse, un documentaire d’Arte m’a interpellé. Il évoquait la pénurie d’eau à l’échelle mondiale du fait du changement climatique, sa mise en Bourse en Australie et en Californie. Des écologistes considérant même que cette mise sur le marché, cette privatisation, était un moyen de réguler la gestion de l’eau !

D’où votre volonté de revenir à une gestion publique de l’eau ? Ce n’est pas un hasard si, dans le même temps, le groupe Veolia lançait une OPA sur Suez, la branche « eau » du groupe Engie, avec l’ambition de devenir un « champion mondial de la transformation écologique ». Un fonds d’investissement s’intéresse aussi à Suez, y voyant « une opportunité, car l’eau est peut-être la ressource la plus importante quand on parle de changement climatique ». Cette situation grave, ces menaces de voir l’eau livrée aux appétits des financiers nous a conduits à reposer la question du retour à une gestion publique de l’eau par la Communauté urbaine de Dunkerque.

Quel rapport y-a-t’il avec le projet d’usine de décarbonation, de « smart-cities » et de gestion des wateringues que vous évoquez également ? Suez, qui est également bénéficiaire du contrat « assainissement » de la CUD, veut nous vendre aujourd’hui une usine de décarbonation (adoucissement de l’eau potable). Celle-ci nous est présentée comme un « dispositif éco-gagnant » mais qu’elle est son utilité réelle autre que la promesse de nouveaux profits pour Suez ? Comment sera-t-elle gérée ? A quel prix de l’eau ? Et Suez ne s’intéresse pas qu’à l’eau. Le groupe a dans ses cartons le concept de « smart-villes », de « villes intelligentes », dont les services essentiels – eau, gaz, électricité, santé, sécurité (contrôle facial) – associés à des moyens comme la 5G, sont délégués au privé. S’agissant des wateringues (système de drainage des eaux de la Flandre maritime située sous le niveau de la mer), dont la gestion est confiée aux collectivités locales dans le cadre de la GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) nous allons vers un nouveau désengagement de l’Etat. Toujours plus de compétences donc, mais toujours moins de solidarité nationale et de moyens, toujours plus de charges transférées sur les contribuables. Le point commun à tout cela c’est la défense du service public. Les DSP sont en réalité des délégations au service du privé. La puissance publique doit reprendre la main pour assurer un véritable service public dans les domaines essentiels de l’eau, la santé, l’énergie, des transports...

Propos recueillis par Marc DUBOIS