Les pompiers à la rencontre du public

Le sous-effectif est un vrai danger

Publié le 15 novembre 2019 à 18:19 Mise à jour le 13 octobre 2020

C’est très volontairement que les pompiers du Nord ont choisi la journée de mobilisation des hospitaliers, avec lesquels ils travaillent, pour organiser un rassemblement le 14 novembre et durant 24 heures, place de la République à Lille. Objectif : expliquer leurs revendications au public.

C’est la première fois que les sapeurs-pompiers du Sdis 59 (Service départemental d’incendie et de secours), organisés en intersyndicale [1] portent leurs revendications de cette manière : rassemblement du jeudi à 9h jusqu’au lendemain à la même heure, devant la préfecture et avec barbecue le midi. Objectif : expliquer au public le pourquoi de leurs revendications et la mise en danger, faute de moyens, d’eux-mêmes et des personnes à qui ils prêtent secours chaque jour. « Sous couvert de difficultés financières, on nous prive de budget indispensable aux missions depuis quelques années déjà » pouvait-on lire sur un tract.

Un besoin de 180 pompiers

Le malaise qui touche la profession n’est pas nouveau. Voilà des mois que les véhicules rouges roulent en affichant les mots « En grève ». Cette action a d’ailleurs fait l’objet d’une attaque en justice par la direction du Sdis 59 qui vient d’être déboutée par le tribunal de grande instance de Lille. « Et pour cause, explique Laurent Cauterman, délégué CGT, nous ne générons pas de trouble à l’ordre public, nous n’avons pas dégradé notre matériel, nous ne somme pas anxiogènes [les trois motifs de poursuite - ndlr].

3 QUESTIONS... à Mathias Watelle, Secrétaire de l’Union locale CGT de Lille

Le tribunal a jugé inadmissible que l’on porte atteinte à notre liberté d’expression alors que notre droit de grève est limité. Il a aussi estimé que ce qui est anxiogène, c’est le manque de moyens en terme d’effectifs pour assurer notre mission auprès de la population ». La réglementation prévoit un total de 2 300 sapeurs-pompiers professionnels dont 1 835 dans les véhicules. Or aujourd’hui, on ne compte que 2 122 agents dont 1 655 dans les véhicules. Résultat, alors qu’une ambulance devrait partir avec 3 à 4 agents, elle ne part qu’avec 2 à 3 pompiers (un chef d’agrès, un sous-officier, un sapeur-pompier). Pour les véhicules incendie, il faut 6 à 8 pompiers. Or, ils partent le plus souvent avec 4 agents. Le Sdis fait alors appel à un centre voisin qui envoie un autre véhicule sur place. Cela revient à déshabiller Paul pour habiller Pierre, mais cette méthode retarde aussi les interventions. En cas d’appel, les pompiers doivent arriver sur les lieux entre 2 et 15 minutes plus tard.

Vies humaines en danger

Les conséquences peuvent être dramatiques. Ce fut le cas récemment à Orchies où un véhicule est allé sur un incendie avec une volontaire qui n’était pas formée pour porter l’appareillage respiratoire isolant (ARI). Elle est restée dans le véhicule pendant l’opération qui s’est soldée par la mort d’une personne.

9 millions nécessaires

« Il arrive souvent, ajoute Laurent Cauterman, que les services de garde affectent une même équipe sur deux véhicules : une ambulance et une voiture incendie. Les agents partent dans le premier véhicule appelé. »

Avec les risques que cela comporte. La question des effectifs est récurrente. En 2012, ils étaient 2 182 (un chiffre déjà insuffisant par rapport aux 2 300 nécessaires). Entre 2015 et 2018, ils n’étaient plus que 2 045 dont 1 552 dans les véhicules. Le Conseil départemental (renouvelé en 2015) a taillé dans les effectifs pour des raisons budgétaires, quitte à devoir recruter 77 agents cette année pour le 1er janvier 2020. Mais le compte n’y est toujours pas. Ce ne sera toujours pas le cas en 2021 (2146 prévus). C’est le Département qui, avec les intercommunalités et les communes, finance le Sdis depuis la loi de départementalisation de 1996. Le grand absent reste l’État. À ce jour, il manque 180 agents et 9 millions d’euros pour assurer le fonctionnement, sur un budget de 270 millions d’euros (205 M€ pour le fonctionnement et 65 M€ pour l’investissement). Les revendications portent donc sur une augmentation des effectifs, sur les salaires et, sur le maintien, voire l’amélioration, de leur régime spécial de retraite (avec départ à 57 ans). Les sapeurs-pompiers professionnels, le personnel administratif et technique réclament par ailleurs le maintien du régime indemnitaire pour les agents entrants. Ces derniers perdent actuellement près de 300 euros par mois. Le salaire moyen d’un pompier est de 2 000 euros net. Il varie entre 1 600 euros pour un entrant à 2 600 pour un officier.

LE SDIS 59 EN CHIFFRES

2 122 > C’est l’effectif total d’agents du Sdis59 (dont les sapeurs-pompiers, les personnels administratifs et techniques).

270 M€ > C’est le budget du Sdis59

9 M€ > La somme qui manque au fonctionnement du Sdis59

2000 € > Le salaire moyen net d’un sapeur-pompier

122 > Le nombre de centres de secours de première intervention (avec un renfort de volontaires) dont 37 centres principaux.

(photo Philippe Allienne/Liberté Hebdo)

Notes :

[1CGT, Syndicat autonome SPP-Pats, Spasdis CFDT, Sud/Solidaires, CFDT, CF-CGC.

Mots clés :

Pompiers Sdis 59