Ubu à l’hôpital de Roubaix

L’Unité hivernale n’ouvrira pas cette année

par Philippe Allienne
Publié le 3 janvier 2020 à 12:31

Dans un contexte où l’on assiste à l’effondrement des services publics et où le domaine de la Santé n’obtient pas de réponses sérieuses de sa ministre de tutelle, le Centre hospitalier de Roubaix est en incapacité d’ouvrir son unité hivernale. Les infirmières ne veulent pas travailler à Roubaix. Une première.

La situation tient du roi Ubu. La crise qui secoue les services d’urgences a été médiatisée toute l’année. À ce jour, sur le territoire français, 450 services sont en grève. Un patient peut demeurer 24 heures sur un brancard avant d’être pris en charge. Il n’est pas certain du tout de trouver un lit avant ou après son hospitalisation. Les restrictions de postes et de lits, depuis plus de 10 ans, expliquent cette situation. C’est pour cela que Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé de mai 2012 à mai 2017, avait mis en place des unités hivernales. « Il s’agissait de compenser la pénurie organisée par une méthode palliative », juge Jacques Adamski, syndicaliste CGT et membre du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail à l’hôpital de Roubaix (CHSCT aujourd’hui intégré au Comité social et économique).

12 lits pour le public fragile

Or, même ce palliatif ne fonctionne plus. À Roubaix, l’unité hivernale compte habituellement 12 lits dans une aile de l’hôpital. Ils sont destinés au public le plus fragile (personnes âgées, personnes démunies...) qui souffrent de symptômes hivernaux comme une grippe ou une gastro entérite avec les problèmes qui en découlent. Si les patients affichent une santé précaire, ces symptômes risquent de déboucher sur des complications graves comme des problèmes cardiaques. Le personnel médical affecté à cette unité doit donc posséder les compétences et l’expérience nécessaire pour traiter de l’ensemble des symptômes. L’hôpital détache ainsi les médecins et les infirmiers nécessaires pour cette unité. Cela signifie que ces derniers doivent être remplacés dans leurs propres services. Habituellement, l’ouverture de l’unité hivernale, début décembre, correspond avec la sortie d’une promotion de l’école d’infirmière qui est intégrée à l’établissement roubaisien. Les infirmiers et infirmières nécessaires sont donc tout désignés pour ces remplacements. « Or, déplore Jacques Adamski, sur une promotion de 40 personnes, seules cinq ont souhaité intégrer l’hôpital. Pourtant, après les trois mois de remplacement, ce personnel est appelé à être embauché définitivement ».

Conditions de travail et rémunérations basses

La raison semble liée aux conditions de travail (le nombre d’heures) et à la rémunération. En France, le salaire mensuel plafonne à 1 400 euros. Il est supérieur de 300 à 400 euros en Belgique et plus encore en Suisse. C’est donc dans cette direction que partent les jeunes diplômés, à moins qu’ils se dirigent vers le secteur privé où ils vont gagner environ 200 euros supplémentaires par rapport au public et où le rythme de travail est moins astreignant. Les hôpitaux privés ont en effet fait des choix différents en remplaçant, par exemple, le personnel qui est en arrêt maladie. « Depuis quelques mois, constate Jacques Adamski, le nombre de personnes qui quittent l’hôpital public est nettement supérieur aux départs en retraite ». Cela vaut autant pour les infirmiers que pour les aide-soignants fatigués des CDD à répétition et rémunérés au Smic. Résultat, faute de personnel suffisant (car ils ne peuvent quitter leurs services d’origine faute de remplacement), l’unité hivernale de Roubaix a repoussé une première fois son ouverture prévue en décembre. Mais en la circonstance, l’ouverture du 1er janvier n’a pu avoir lieu. Le plus rageant est que cette unité n’avait besoin que de 6 postes d’infirmiers et 6 postes d’aide-soignants pour les 12 lits disponibles. En l’absence de cette unité, « nous allons nous retrouver avec un encombrement encore plus fort des urgences , dit le syndicaliste. Le service gériatrie va devoir tourner beaucoup plus vite. Avec les risques que l’on peut deviner pour la santé des patients ».

Des heures supplémentaires considérables

L’hôpital public est à l’os. Actuellement, des infirmiers et des aide-soignants cumulent jusqu’à 200 heures supplémentaires qu’ils ne peuvent récupérer. Cela représente plus d’un mois de congés qu’ils ne peuvent prendre. Ramené à l’ensemble du personnel, le nombre d’heures supplémentaires s’élève à 112 000. Pendant ce temps, les urgences continuent de s’engorger.