Santé

La colère noire des blouses blanches

par Philippe Allienne
Publié le 19 juin 2020 à 14:57

Ils étaient des milliers, mardi 16 juin à Lille, pour défendre l’hôpital public et l’ensemble de son personnel. Avant de rejoindre le cortège, de nombreux rassemblements de plusieurs centaines de personnes ont eu lieu dans les différents établissements hospitaliers de la région, d’autres manifestations avaient aussi été organisées comme celle de Valenciennes, avec les métallos, le matin, à Calais, à Boulogne-sur-mer, etc.

Peu importe l’éternelle bataille des chiffres entre police et organisations syndicales, il ne fait pas de doute que la mobilisation à laquelle appelaient une dizaine de syndicats, collectifs et associations, mardi dernier, a été une réussite. Cet appel était lancé à la fois vers le personnel et les usagers de l’hôpital public. Il s’agissait essentiellement de demander une revalorisation générale des salaires, l’arrêt des fermetures de lits et d’établissements, ainsi qu’un plan de recrutement et de formation. Les hospitaliers avaient été rejoints par de nombreuses autres professions venues témoigner leur solidarité (ouvriers, employés, fonctionnaires, enseignants, acteurs associatifs, etc.) et laissant augurer une reprise du mouvement social. Cette mobilisation s’est déroulée alors que le Ségur de la santé a débuté le 25 mai et tarde à donner des chiffres aptes à apporter des réponses aux revendications. Ce Ségur inquiète d’ailleurs davantage les professionnels de la santé qu’il ne les rassure. « La crise sanitaire a donné l’occasion de prouver combien nous sommes capables de nous montrer réactifs et de nous adapter à une situation d’urgence ! » rappelle Isabelle Bosseman (Smict CGT du CHU de Lille).Ce qu’il nous faut, dit le personnel hospitalier, c’est aussi une reconnaissance des qualifications, la fin des politiques de restrictions budgétaires, l’égalité professionnelle, la prise en compte de la pénibilité des métiers, la mise en place d’un financement pérenne et solidaire de la perte d’autonomie dans le cadre de la branche de la Sécurité sociale. Sur les nombreuses pancartes et calicots, on pouvait notamment lire : « J’ai pas le Covid, j’ai la rage », « Nos vies valent plus que leurs profits, débarrassons-nous du virus capitalisme », « Je n’ai jamais été soignée avec une médaille », « Sages-femmes en colère », « J’ai mal à mon hôpital » ou encore : « Colère noire des blouses blanches. » Car c’est bien de la colère qui transparaissait des cortèges. La colère des personnels soignants, des aides à domicile, des personnels des Ehpad qui n’ont pas été écoutés avant la pandémie, qui ont été applaudis pendant le confinement, qui craignent d’être oubliés aujourd’hui, qui se sentent méprisés, une fois encore, par le pouvoir. Les primes et les médailles sont dénoncées.Les revalorisations salariales qui tardent à venir attisent le dépit.« Combien de canicules ou de pandémies faudra-t-il encore pour que notre système de santé, nos Ehpad, nos auxiliaires de vie bénéficient d’un statut digne de leur utilité sociale ? » interroge la CGT.