Le service public se meurt

La course vers une médecine à deux vitesses

AU NOM DU FRIC

par Philippe Allienne
Publié le 18 octobre 2019 à 16:06

« Ça va durer ». Aide-soignant et ambulancier au SMUR de Tourcoing, Kamel Assadi (CGT) ne voit pas d’issue rapide pour le problème que rencontre la maternité du centre hospitalier Dron. On sait que l’on ne peut plus y accoucher faute de praticiens suffisants au service gynécologie. Sur les trois qui restaient, deux sont partis en congés maladie, aggravant une hémorragie du service qui avait déjà subi des départs. C’est d’ailleurs en raison des problèmes rencontrés par la maternité qu’une manifestation intersyndicale a été organisée à Tourcoing, le 15 octobre, avec des représentants de nombreux établissements de la région.

« Pour rouvrir, poursuit le syndicaliste, il faudrait l’arrivée d’un coup de 7 à 8 gynécologues. Or, quand l’hôpital fait une demande de personnel, il y a un délai d’attente d’environ un an. »

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À Tourcoing, de nombreux médecins ont démissionné pour cause de burn out. De fait, le centre hospitalier tourne en sous- effectif permanent. Pour assurer les gardes du SMUR, il faut faire appel à des renforts parmi les praticiens du GHT (groupement hospitalier de territoire) Flandre intérieure qui regroupe dix établissements.

« Chez les ambulanciers, on se serre les coudes, poursuit-il. Mais que voulez-vous faire face à 150 entrées de patients par jour ? Cela nécessite 18 médecins. Ils ne sont que quatre, sans les renforts ».

De la souffrance supplémentaire

Dans le cortège, un infirmier urgentiste qui travaille à Tourcoing depuis 8 ans assure que s’il avait des enfants, il ne les encouragerait certainement pas dans cette voie. Pourtant, il adore son métier. Lorsqu’il a débuté, il avait 23 ans et il débordait d’optimisme. Au fil des années, il a vu la situation et les conditions de travail se dégrader.

« J’ai été élevé, dit-il, dans cette culture voulant que l’État est là pour vous, pour nous les citoyens. Or, je dois m’occuper de 9 à 10 patients en même temps. Il n’y a personne pour m’aider. J’ai à peine le temps de dire bonjour au patient que je soigne avant de passer au suivant. Lui, il est en souffrance sur son brancard. Je n’ai pas le temps de le rassurer et je crée de la souffrance supplémentaire ».

Pour lui, la volonté politique de détruire le service public est évidente. « D’autant que le privé n’a de cesse d’investir. Nous allons de plus en plus vite vers une médecine à deux vitesses » regrette Kamel Assadi.