Photo d’illustration/Piqsels
Une expérimentation en voie de généralisation

Pour accéder aux soins, empruntez le SAS !

par Lydie LYMER
Publié le 14 janvier 2022 à 12:12

Non, le SAS n’est pas l’acronyme de Son Altesse Sérénissime, c’est celui des Services d’Accès aux Soins. Analyse.

Leur importance a été réaffirmée lors du Ségur de la santé en 2020, alors que la crise sanitaire révélait l’état de délabrement de l’hôpital public. Les SAS, mesure phare du plan « Ma Santé 2022 » avaient déjà été actés en 2019 par le pacte de refondation des urgences. En expérimentation dans 13 régions depuis le 1er janvier 2021, ils devraient être généralisés à l’ensemble des territoires de métropole et d’outre-mer d’ici la fin de l’année. Pour les Hauts-de-France, la Somme et le Nord sont départements pilotes. L’idée part du constat que 30 à 40 % des passages aux urgences pourraient être traités en cabinet. Il s’agit de répondre à la demande de soins non programmés, et d’apporter une réponse dans les 48 heures, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.

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En pratique, si bébé se réveille avec de la fièvre, vous appellerez votre médecin traitant. S’il n’est pas disponible, ou s’il ne peut pas vous recevoir, vous vous tournerez vers le SAS. Un Aide à la régulation médicale (ARM) vous répondra. Il est en charge de recueillir votre identité et le motif de votre appel. En fonction, il vous mettra en relation soit avec le SAMU s’il estime qu’il y a un élément de gravité, soit avec l’Opérateur de soins non programmés (OSNP). L’OSNP est un professionnel de santé : infirmier, aide-soignant, ambulancier... Il poursuit l’analyse de votre demande et il est habilité à vous délivrer une information (horaires d’ouverture d’une pharmacie). Eh oui ! Étymologiquement, le sas désigne un tamis fin servant à filtrer ! Si l’OSNP estime que l’état du gamin nécessite un avis médical, il transmettra votre appel au médecin régulateur libéral. Enfin, vous parlerez à un médecin ! Celui-ci évaluera la situation, et pourra vous donner un conseil, ou vous orienter vers les urgences. À ce jour, on ne sait pas si les patients adressés aux urgences par le SAS devront payer ou non le forfait patient urgences de 19,60 euros. Le régulateur pourra aussi vous orienter vers un « effecteur de soins » (infirmier), ou vous proposer une consultation, en présentiel ou en distanciel, avec un médecin qui ne sera pas nécessairement votre médecin traitant. Une plateforme digitale nationale a été créée. Elle comprend un annuaire national des professionnels de santé, intégrant un moteur de recherche. Elle est interfacée avec les logiciels métiers des praticiens : Doctolib, Maiia, Keldoc.

Tarif attractif et priorités

Maiia, par exemple, est une suite de solutions de Cegedim. Ce groupe propose aux professionnels de santé des technologies innovantes telles que la conception de logiciels métiers. En 2019, Cegedim a réalisé 500 millions de chiffre d’affaires. Cegedim SA est côté en bourse à Paris. Les médecins participant aux SAS peuvent ouvrir des créneaux dédiés dans leurs plannings en ligne, accessibles au régulateur. Dans les expérimentations, un forfait trimestriel a été proposé aux praticiens, pouvant aller jusqu’à 800 euros selon le nombre de consultations effectuées, indépendamment de la consultation elle-même, facturée au patient. Des syndicats de médecins, comme MG France, estiment que l’organisation de la prise en charge des soins non programmés « doit impérativement être valorisée » de 15 euros, portant à 40 euros le tarif de la consultation pour les plus de six ans. Tous les champs du possible sont ouverts. Les médecins généralistes présents sur les centres de réception des appels ne seront pas dans leurs cabinets pour voir des malades. Le tarif attractif pourrait modifier les priorités des médecins. La prise en charge des urgences relatives impacterait alors le suivi des pathologies chroniques, déjà transféré au généraliste, faute de spécialistes en nombre suffisant. Les délais de rendez-vous seraient susceptibles de s’allonger. Mais vous pourrez toujours vous tourner vers un opérateur privé, comme Qare, qui via un abonnement mensuel garantit une téléconsultation dans les dix minutes de six heures à minuit, remboursable par l’assurance maladie si le consultant ne pratique pas de dépassement d’honoraires. Vous habitez Dunkerque ? Diantre ! La fièvre du petit n’attend pas ! Et elle vaut bien le tarif que le médecin parisien fixera en fin de téléconsultation ! À tous les coups on gagne. Ou on perd. Ça dépend de quel côté on se trouve : des plus riches ou des plus pauvres ?