Droits réservés
Soins à domicile

« Soignons Humain » casse les vieilles pratiques

par Philippe Allienne
Publié le 25 juin 2021 à 11:38

Créée en 2016 dans la métropole lilloise, l’association «  Soignons humain » propose une nouvelle manière de considérer et de pratiquer le soin à domicile.

Entrepreneur social et polytechnicien, Guillaume Alsac dit avoir été atteint par la crise de la quarantaine. C’était en 2015. Il décide de changer d’orientation et se dirige vers le secteur de la santé et du soin à domicile. Rapidement, il est fasciné par Buurtzorg, une association hollandaise créée par un infirmier, Jos de Blok. Ce dernier est parti d’un constat : l’organisation des soins à domicile est inadaptée autant pour les patients que pour les soignants. Les actes sont minutés l’intervenant manque d’autonomie et ne peut prendre en compte les spécificités du patient et l’évolution de sa situation. Il estime par ailleurs que la logique de rationalisation des soins et des actes est inadaptée, le turn-over et l’absentéisme sont importants. Au bout du compte, le système est peu efficace. Jos de Blok prend le contrepied et imagine le modèle Buurtzorg. C’est ainsi que vont travailler, environ dix ans plus tard, Guillaume Alsac et la petite équipe qui l’entoure. Parmi ses collaborateurs, Chrystèle Leman est infirmière et cadre de santé pédagogique à l’Ifsi Ambroise Paré, à Lille. C’est elle qui va trouver le nom du concept qui va s’expérimenter dans la région : « Soignons humain. »

Qualité de service

« Nous ne sommes pas un opérateur, explique-t-il. Nous sommes un diffuseur de nouvelles pratiques afin que les professionnels puissent s’en inspirer.  » Soutenue par le Département du Nord et conventionnée par la Sécurité sociale, l’association Soignons humain propose de l’aide à domicile et du soin infirmier ainsi que de la formation. L’organisation qu’elle propose repose sur la compétence et l’autonomie des professionnels. « Ces deux éléments, insiste Guillaume Alsac, sont indispensables à la qualité de service.  »

Un système vertueux

« Aujourd’hui, observe-t-il, les soignants travaillent dans un système productiviste, proche du taylorisme. Leurs interventions sont fragmentées. Ils ne peuvent avoir de vision globale et sont donc dans l’incapacité d’apporter les bonnes réponses.  » Là aussi, les équipes de Soignons humain prennent le contrepied. Si les infirmières et infirmiers se relaient tous les deux ou trois jours au domicile des personnes âgées, dépendantes à des degrés divers, l’organisation leur permet de bien connaître leurs patients et de prendre le temps de les accompagner, de les écouter, de prendre des décisions, voire de prendre contact avec le médecin traitant. « L’autonomie, cela signifie que nous disons aux soignants que ce sont les pratiquants qui trouvent au fur et à mesure ce qu’il faut faire. S’ils estiment devoir changer les horaires de leurs visites, ils le décident en équipe. Ils réfléchissent ensemble aux besoins du ou de la bénéficiaire des soins.  » De fait, si le soignant qui se rend au domicile du patient n’est pas le même que la veille, il a été préalablement tenu au courant des évolutions de la pathologie ou des événements survenus. «  Le système est vertueux », observe Guillaume Alsac. Sous réserve que la rémunération soit correcte. C’est une des conditions indispensables. Ainsi, forts de leurs compétences et de leur marge de manœuvre, les équipes soignantes obtiennent de meilleurs résultats. Il y a moins de turn over et moins d’arrêts maladie. Les patients, mieux pris en charge et en considération, courent moins de risques d’être hospitalisés ou d’être placés en Ehpad. Les conditions de maintien à domicile sont facilitées. Résultat, le coût global de santé est moins élevé.