© Jacques Kmieciak
Suite au rassemblement du 1er mai à Arras

Quid d’un « troisième tour social » ?

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 4 mai 2022 à 12:34

À l’appel de l’intersyndicale (CGT, FSU, Solidaires), ils étaient 300 environ à battre le pavé ce dimanche de la gare à la Grand’Place où se tenait le 21e Salon du livre. À l’aune d’une mobilisation en demi-teinte, des acteurs du mouvement social s’interrogent sur les chances d’un troisième tour… dans la rue.

« L’affluence est correcte. Nous avons connu des années plus difficiles », avance Catherine Piecuch, la secrétaire académique de la FSU. « Il y a moins de monde que d’ordinaire », estime cependant Josiane Delcroix de l’UL Force ouvrière d’Arras. « La journée tombe un dimanche. Il fait beau. C’est un temps à aller à la mer… » Ici ou là, des explications fusent. Josiane Delcroix regrette le fait que « beaucoup de salariés semblent ignorer la signification du 1er mai qui est avant tout une journée de revendications ». Et de pointer du doigt l’impact de la crise sanitaire sur la mobilisation : « Depuis, les gens ont tendance à se recentrer, à privilégier leurs proches. » Secrétaire général adjoint de l’UL CGT d’Hénin-Lens, Damien Haidon trouve la mobilisation « pas satisfaisante, plutôt terne. Peu de slogans lancés, pas de tracts distribués aux passants. Les manifestants papotent entre eux, comme s’ils venaient par habitude parce que c’est dans leurs gènes ».

À la rentrée ?

Cette mobilisation augure-t-elle alors d’un « troisième tour social » que d’aucuns appellent de leurs vœux pour contrecarrer la politique ultralibérale du président Macron ? « Nous sommes dans l’attente du résultat des législatives. Macron sera-t-il confronté à une majorité de gauche à l’Assemblée nationale ? Ou sera-t-il seul aux commandes ? Si tel est le cas privilégiera-t-il le dialogue ? Fera-t-il preuve de tempérance ? » se demande Jean-Daniel Pognici, le cosecrétaire de l’UD Solidaires du Pas-de-Calais. Même son de cloche du côté d’Olivier Sartre (UL CNT Béthune). Pour ce professeur documentaliste, « il faudra attendre l’après-législatives. Actuellement, je ne sens pas d’impulsion particulière. Le monde du travail est attentiste, mais ça pourrait bien repartir si on prend des mesures antisociales dans la tronche ». Maryse Massart du PCF de l’Arrageois en est persuadée : « Si on descend dans la rue, ce ne sera pas avant septembre. L’été, il ne faut pas y compter. Les mentalités ont changé. Nous ne sommes plus en 1968. J’étais gamine à l’époque. Mes parents, des ouvriers, ne partaient pas en vacances. L’état d’esprit des salariés a changé. Aujourd’hui, les congés, c’est sacré ! »

Maintenir la pression

Pas question de patienter jusqu’à la rentrée des classes pour la FSU favorable à l’idée de « maintenir la pression jusqu’aux législatives ». « Il faut que le gouvernement entende les revendications du monde du travail en matière d’augmentation des salaires, de revalorisation des pensions ou de renforcement des services publics. Dans nos départements, nous allons interpeller les partis de gauche pour les faire valoir », assure Catherine Piecuch. Jean-Daniel Pognici ne serait pas défavorable à une mobilisation d’envergure « à condition d’être sûrs de notre coup. Si on fait moins de 100 000 personnes à Paris pour une manifestation nationale, ça peut se retourner contre nous ». Guère optimiste pour la suite, à l’heure où les médias mainstream tentent d’imposer leur pensée unique en matière de transformation sociétale, Damien Haidon invite les organisations syndicales « à simplifier et éclaircir leurs messages pour les rendre audibles ». Il s’agirait aussi, selon lui, « de relancer, dans un esprit d’éducation populaire, la formation autour des conquêtes sociales. Elle ne se fait plus à l’école. La culture historique fait défaut à bon nombre de salariés ». Vaste chantier !