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TER

Un collectif de citoyens inquiet pour la ligne Douai-Cambrai

par Nadia DAKI
Publié le 1er juillet 2022 à 13:19

Un temps menacée de fermeture, la ligne TER qui relie Douai à Cambrai continue de susciter des inquiétudes. Notamment auprès du Collectif de défense et de développement des services publics du Douaisis (CDDSPD) qui craint de revivre l’épisode de 2017 où la fermeture était imminente. Dans leur ligne de mire, un éventuel développement du fret au détriment du transport de voyageurs.

C’est le lot malheureux des petites lignes ferroviaires en France. Mal entretenues, elles sont parfois vouées à disparaître. C’est justement ce que craint le CDDSPD qui monte, vent debout, contre toute menace planant sur la ligne Douai-Cambrai. « Nous sommes très attentifs et mobilisés pour le maintien d’un véritable service public des transports dans le Douaisis, lance Dominique Ben, président du collectif. Nous avons appris au détour de réunions que la ligne ferroviaire Douai-Cambrai serait dévouée davantage au fret qu’au transport de voyageurs. Nous ne sommes pas contre le développement du fret mais ce dernier ne doit pas se faire au détriment des voyageurs. » Charles Beauchamp, conseiller départemental communiste du canton d’Aniche, s’en fait également l’écho. « Nous avons effectivement reçu des informations que nous estimons sérieuses. Il s’agirait notamment d’utiliser cette ligne ferroviaire pour desservir l’E-valley. Nous ne connaissons pas les conditions de mise en place d’une telle ligne ferroviaire, c’est d’ailleurs ce qui nous inquiète. »

Une première bataille remportée

L’épisode de 2017 est ravivé tel le stigmate d’une menace perçue comme toujours réelle. À l’époque, la ligne Lille-Saint Quentin est vouée à la fermeture. « Tout le canton d’Arleux à Sin-le-Noble se trouvait ainsi abandonné », se souvient Dominique Ben. Des réunions publiques ont lieu, une pétition en ligne rassemble plus de 3 000 signatures. La ligne sera finalement maintenue. « C’est une bataille que nous avons gagnée notamment avec la promesse des élus de procéder aux travaux de régénération de la ligne », poursuit le président du CDDSPD. D’ailleurs, la SNCF, via son service communication, indique à Liberté Hebdo un calendrier des travaux : ils vont débuter courant 2024 et dureront jusqu’en 2025. « Le renouvellement des composants de la ligne Douai-Cambrai fait actuellement l’objet d’études par SNCF Réseau, avec le soutien de l’État et de la Région Hauts-de-France. Ces études visent à définir le programme de travaux nécessaires au maintien des performances de la ligne, pour satisfaire les besoins de circulation des voyageurs. Ces travaux portent sur la régénération de l’ensemble des constituants ferroviaires : voie, passages à niveau, caténaire, signalisation, ouvrages d’art et ouvrages en terre, assainissement. » En somme, une ligne remise en état d’ici trois ans. Mais pour Charles Beauchamp, il y aura forcément un choix à arbitrer entre le fret ferroviaire et le transport de voyageurs. « Initialement, il y avait deux voies sur cette ligne. Il a été décidé d’en supprimer une au moment de l’électrification de la ligne. Comment faire passer sur une seule et même ligne du fret et des voyageurs sans modifier la fréquence des trains pour voyageurs ? » s’interroge-t-il. Là encore, la SNCF se veut rassurante. « SNCF Réseau étudie également, à la demande de la Région Hauts-de-France, la possibilité de raccorder la ligne au futur port intérieur de Marquion. Port intérieur qui sera développé dans le cadre du projet de Canal Seine-Nord Europe, après le renouvellement de la voie pour les circulations voyageurs. Les études portent sur la possibilité de faire circuler des trains de fret sur la ligne, tout en garantissant la performance des circulations voyageurs », indique-t-elle.

Du fret, oui, mais pas à la place des voyageurs

Le collectif et certains élus préfèrent prendre les devants. « On a un sentiment de déjà-vu avec la suppression des dessertes TGV en gare de Somain où des promesses de maintien avaient été faites. Nous prenons très au sérieux les informations que nous avons reçues. Nous avons besoin de clarification et nous resterons très vigilants », prévient Dominique Ben. Pour l’heure, ils espèrent être reçus prochainement par la Région pour en discuter et rencontrer également la SNCF pour émettre quelques propositions. « Aujourd’hui, ce n’est malheureusement plus du service public. Nous aimerions être entendus, avec d’autres associations de défense des usagers, pour inventer ensemble une sorte de nouvelle nationalisation de la SNCF », propose Dominique Ben. Parmi les exemples de propositions, la remise en service de la seconde voie. « Nous ne sommes pas opposés au fret, tient à préciser Charles Beauchamp, au contraire. Mais pour créer une véritable complémentarité, il est urgent d’ouvrir cette deuxième ligne. De plus, par rapport aux enjeux environnementaux considérables, je dis privilégions le fret au transport routier sans que le transport des voyageurs n’en pâtisse. Les habitants d’Arleux et des alentours ont droit au même service public que l’ensemble des citoyens du pays. »

Un bras de fer entre la Région et la SNCF

Longue de 32 kilomètres, cette voie unique électrifiée enregistre chaque jour 3 000 montées et descentes sur l’ensemble de la ligne Douai-Cambrai. « La Région est mobilisée sur cette question et s’est engagée à sauver 12 lignes abandonnées par le réseau SNCF et par l’État, appuie Franck Dhersin, vice-président en charge des mobilités, des infrastructures de transport et des ports à la Région Hauts-de-France. Les riverains peuvent être rassurés, on sauve des lignes comme c’est par exemple le cas de l’étoile de Saint-Pol. » Il en veut pour preuve la participation de la Région, réservée, aux travaux de régénération. D’un montant total de 70 millions d’euros, ils seront couverts à hauteur de 70 % par la Région, de 21,5 % par l’État et de 8,5 % par la SNCF. «  C’est la Région qui prend en charge majoritairement ces travaux pour des infrastructures qui ne nous appartiennent pas et pour lesquels on paie un droit de passage des TER. C’est scandaleux », s’insurge Franck Dhersin. Il rejoint ainsi le président de Région, Xavier Bertrand, qui a poussé un « coup de gueule » contre la SNCF, lors de la plénière du conseil régional du jeudi 23 juin, prévenant qu’il suspendait les paiements des arriérés. « Nous circulons sur des voies qui ne sont pas entretenues avec des pannes régulières, un manque de personnel, des défauts d’entretien et un manque d’informations. Pendant 40 ans, la SNCF a misé sur le tout TGV au détriment des lignes de train du quotidien », regrette Franck Dhersin. Le CDDSPD prévient à son tour : « Si nous n’obtenons pas de réponse satisfaisante, nous appellerons à une mobilisation massive des usagers et des élus. »