Crise sanitaire et économique

Un vent de colère souffle chez les chauffeurs privés

par Ousmane Mbaye
Publié le 28 août 2020 à 16:53

Comme de nombreux secteurs touché par la Covid-19, les autoentrepreneurs VTC n’ont pas échappé à la crise. Pour Liberté Hebdo, Brahim Ben Ali, roubaisien et représentant national des chauffeurs privés, fait le point sur une situation déjà alarmante.

« Catastrophique. » C’est par cet adjectif que Brahim Ben Ali qualifie la situation actuelle des autoentrepreneurs VTC (voiture de transport avec chauffeur) de la région Hauts- de-France. Face à une baisse de leur clientèle estimée à 60 %, les chauffeurs privés sont exsangues. « Je vois qu’il y a beaucoup de sociétés qui ferment, les gens ont peur de consommer des Uber. » Les résultats d’un sondage lancé sur Facebook par Brahim Ben Ali le 7 août dernier sont alarmants. Parmi les 3 000 répondants, 96,4 % d’entre eux déclarent avoir rencontré des difficultés financières à cause de la crise de la Covid-19. Les chauffeurs estiment en moyenne avoir perdu 34 % de leur chiffre d’affaires sur la période de mars à mai 2020 par rapport à la même période l’année précédente et 27 % sur l’ensemble des mois passés. Enfin, 92 % disent avoir rencontré des difficultés à payer leurs cotisations et frais, tandis que 91 % disent avoir subi une saisie de véhicule.« Dans l’espace commentaires, certains disent vouloir se suicider » s’inquiète Brahim Ben Ali.

Des difficultés à percevoir les aides de l’État

Avant la crise de la Covid-19, ils avaient déjà du mal à à toucher les subventions auxquelles ils pouvaient prétendre. « Les collectivités locales ne nous ont jamais versé un euro alors qu’on a le droit ! » s’indigne Brahim Ben Ali, alors que les taxis bénéficieraient de ces aides. Il y a trois ans, il avait déjà sollicité à ce sujet Élisabeth Borne, alors ministre des Transports, en vain. Aujourd’hui, c’est le Fonds de solidarité à destination des entreprises touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 que les chauffeurs de VTC ont du mal à obtenir.

« J’avais interpellé l’ancien ministre de l’Action et des comptes publics Gérald Darmanin [aujourd’hui ministre de l’Intérieur - ndlr] » à ce sujet indique Brahim Ben Ali. Il avait alors pu obtenir que les chauffeurs de VTC soient intégrés dans la liste des entreprises du plan tourisme pouvant bénéficier d’aides renforcées de la part du gouvernement. Mais, pour en bénéficier, les entreprises doivent prouver qu’elles ont subi 80 % de perte de chiffre d’affaires durant la période de confinement. « On voit qu’il y a eu énormément de gens exclus » constate Brahim Ben Ali. Il reproche l’iniquité de cette aide qui, selon ses dires, bénéficierait à seulement 30 % des autoentrepreneurs VTC, laissant les autres sur le carreau. D’autant plus que la mise en place du fonds de solidarité est « dérisoire » selon le représentant de l’Intersyndicale nationale VTC.

Dans le contexte actuel, beaucoup d’autoentrepreneurs se retrouvent donc fortement endettés après avoir investi pour lancer leur activité. Le représentant des chauffeurs de VTC accuse les entreprises comme Uber de promettre « monts et merveilles » en demandant aux nouveaux arrivants d’acheter, entre autres, de grosses berlines. « Si vous achetez une Mercedes sans chiffre d’affaires, vous faites comment pour payer des crédits à location avec option d’achat (LOA) de 50 000 ou 60 000 euros ? » interroge Brahim Ben Ali.

Tout un système à revoir

Des difficultés qui s’ajoutent à un système de tarification qui désavantage les chauffeurs face à la plateforme Uber.Pour Brahim Ben Ali,« il y a tout à refaire en termes de tarification ». En effet, il existerait selon lui un système de « majoration », qui augmenterait, artificiellement les prix des courses pour, d’une part, attirer les chauffeurs dans les zones peu des- servies et, d’autre part, inciter les clients à prendre un Uber à un prix plus élevé (allant jusqu’au triple du prix) en leur faisant croire que la demande est trop forte pour satisfaire l’ensemble des clients. Avec ce système, Uber fait porter le coût de la hausse du prix sur les clients mais aussi les chauffeurs qui se retrouvent à payer la TVA tandis que l’entreprise ne la paye pas. « C’est de l’esclavage numérique sauf que les chaînes sont devenues psychologiques » dénonce Brahim Ben Ali. Il assure qu’avec la crise de la Covid-19, les mentalités ont changé et que les chauffeurs privés sont prêts pour des opérations de blocages dès la rentrée. « On sera prêt, s’il faut bloquer Paris une semaine, on le fera. On a compris que tout se décidait là-bas. »