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Pollution industrilelle

À Faches-Thumesnil, une association face à la menace du plomb

par Virginie Menvielle
Publié le 3 avril 2023 à 10:29

606 foyers à Faches-Thumesnil et Lille-Sud sont concernés par la mise en place d’une servitude d’utilité publique autour de l’usine Exide, suite à des risques de pollution des sols au plomb. Loin de les rassurer, l’enquête publique puis la mise en place de l’arrêté ont déclenché un vent de révolte chez les habitants, inquiets pour leur santé.

« Tout a démarré en mars 2022 », raconte Anne Delvigne, habitante de Faches-Thumesnil. La présidente de l’association Apres ! fait référence au courrier émanant de la préfecture reçu il y a un an. Celui-ci leur présentait une proposition d’arrêté préfectoral avec une notion de servitude d’utilité publique (SUP) dans un périmètre de 400 mètres autour de l’usine Exide fabriquant des batteries au plomb. La SUP a lieu suite à la perte du statut Seveso haut de la société. 606 parcelles à Faches-Thumesnil et à Lille-Sud sont concernées. Cette SUP a pour but de déterminer si l’usine a contaminé les sols au plomb. Le courrier de la préfecture était accompagné de recommandations de l’ARS (Agence régionale de santé) des Hauts-de-France (voir réaction ci-dessous). « On ne doit plus manger les légumes du jardin, il faut nettoyer fréquemment les doudous des enfants et leurs jouets, laver nos sols fréquemment, nos manteaux, enlever la poussière sous nos chaussures », détaille Wael El Khader, riverain d’Exide. Les riverains sont sidérés. Mais très vite, les habitants du quartier décident de s’unir et de créer le collectif Sud plomb. Le but : faire entendre leurs voix et influer sur le périmètre de la SUP. Les riverains réclament notamment de nouveaux carottages des sols, non seulement de tous les logements concernés par la SUP, mais également en proximité du périmètre défini.

Les riverains veulent des réponses

Une grande majorité des habitants concernés côté Faches-Thumesnil réside là depuis plus de dix ans et n’a jamais été précédemment informé de mesures à prendre. Anne a participé à une consultation entre 2014 et 2015. Elle avait alors autorisé les prélèvements dans son sol et surtout demandé à ce qu’un décaissage ait lieu. « On m’a dit que ce n’était pas la peine. Quant aux résultats des prélèvements, je les ai découverts dans l’enquête publique d’avril 2022 ! » Wael, lui, les attend toujours. Les résultats moyens indiquent des taux de 452 milligrammes par kilo (mg/kg), et vont en réalité de 18 mg/kg à 8 800 mg/kg. Or, la teneur d’un sol non pollué est de 17 mg/kg et, au-dessus de 110, les résultats sont considérés comme anormaux suivant le Guide méthodologique du plomb. Nouvelle douche froide pour les riverains qui s’accompagne d’une autre nouvelle. Au printemps dernier, l’ARS lance une campagne pour réaliser une plombémie (un examen médical pour mesurer la quantité de plomb dans le sang, ndlr) parmi les riverains concernés. Il s’agit de dépister des éventuels cas de saturnisme ! Le collectif réclame un dépistage systématique de la plombémie des populations concernées et la mise en place d’un suivi sanitaire de longue durée. « On veut aussi voir les résultats de la grande campagne lancée en 2004 », lâche Wael, lassé de relancer l’ARS et autres pouvoirs publics à ce sujet. Les riverains mués en collectif se sentent en effet bien seuls. « À Lille, la mairie a organisé deux réunions publiques, mais c’était surtout pour rassurer la population. Ici, le maire nous soutient sur le principe, mais a validé la SUP avec des réserves et questions et ne souhaite pas organiser de réunions publiques. » Résultat, ce sont les habitants qui s’y collent. Ils en ont déjà organisées quatre. Avec la validation de la SUP en date du 2 février, le collectif a décidé de monter d’un cran. « On a créé L’Association de protection de l’environnement et de défense des riverains du sud lillois contre les pollutions industrielles (Apres !) », lancent de concert Anne et Wael. Elle compte une cinquantaine d’adhérents ultra déterminés. « On lance une levée de fonds pour pouvoir se défendre, mandater un avocat et se lancer dans la bataille judiciaire », précise Wael. « On sait qu’elle sera longue mais on ne lâchera rien », renchérit Anne.

Trois cas de saturnisme identifiés

L’ARS a incité au dépistage les riverains dans un périmètre qui s’étend sur une partie des communes de Lille et Faches-Thumesnil où les teneurs en plomb observées sont supérieures à 300 mg/kg de terre, comme le prévoit l’avis du Haut Conseil de la santé publique de 2017. Deux seuils sont appliqués dans les plombémies. Supérieur ou égal à 25 microgrammes par litre (μg/l) de sang : le seuil de vigilance à partir duquel un travail est mené avec le médecin traitant pour surveiller l’évolution dans le temps et mettre en place des recommandations pour limiter l’exposition. Supérieur ou égal à 50 μg/l de sang : le seuil de saturnisme à partir duquel l’ARS met en place une enquête environnementale et des plombémies de contrôle sont réalisées dans le temps en lien avec le médecin traitant. 202 plombémies ont été réalisées au 8 mars. 199 résultats sont inférieurs à 25 μg/l et trois sont supérieurs à 50 μg/l, correspondant à des cas de saturnisme. Une enquête environnementale est réalisée dans les trois foyers. Il s’agit de cerner les risques d’exposition liés d’une part à l’environnement (habitat, jardin, autres lieux fréquentés) en incluant notamment des prélèvements de sol ; et d’autre part aux habitudes de vie afin de n’omettre aucune source d’exposition possible. Par ailleurs, la campagne de dépistage se poursuit jusqu’au 30 avril 2023.

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