À Malines, l’antichambre d’Auschwitz

Publié le 20 juillet 2018 à 12:32 Mise à jour le 8 décembre 2018

L’historienne Laurence Schram révèle un pan d’histoire méconnu avec son étude sur la caserne Dossin, à Malines (Belgique), lieu de transit vers Auschwitz-Birkenau des déportés juifs et tsiganes du Nord et du Pas-de-Calais.

Convoi Sammellager.
© Musée juif de la déportation de Malines

La recherche que Laurence Schram a entreprise voici plus de vingt ans sur le SS-Sammellager für Juden [camp SS de rassemblement pour les Juifs] de Malines, c’est-à-dire la Kazerne Dossin, est enfin accessible au grand public. Cet ouvrage permet de combler un vide historiographique et mémoriel sur la déportation raciale à partir de la Belgique.
Dans L’antichambre d’Auschwitz – Dossin, Laurence Schram traite de l’histoire d’un camp de rassemblement méconnu en Belgique, mais encore plus dans le Nord de la France. Or, les Juifs et les Tsiganes arrêtés dans notre région ont transité par Malines, avant d’être déportés à Auschwitz-Birkenau, et non par Drancy, un lieu qui est désormais inscrit dans la mémoire collective nationale.
Les départements du Nord et du Pas-de-Calais appartenaient en effet à la Zone militaire rattachée à Bruxelles qui possédait son propre centre de rassemblement pour la déportation raciale : la caserne Dossin de Malines. Ce camp situé à mi-chemin entre Anvers et Bruxelles était un rouage essentiel dans le processus de mise à mort industrielle et de sélection pour le travail.

Vingt-six mille déportés

La caserne Dossin a accueilli ses premiers internés le 27 juillet 1942. On mesure toute son importance au vu des chiffres : dans cette antichambre de la mort sont passés près de 26 000 déportés – 25 273 Juifs et 354 Tsiganes âgés de 39 jours à 93 ans – répartis en vingt-huit convois, le dernier ayant démarré le 31 juillet 1944. En 1945, seuls 1251 étaient encore en vie. Grâce à des tableaux très précis et détaillés, l’historienne a reconstitué les dates, la composition et les parcours des convois. Elle a ainsi redonné une existence à ceux que Himmler aurait voulu voir disparaître de la terre, comme il le déclarait dans un discours d’octobre 1943, resté célèbre.
Elle a ensuite étudié l’administration du camp géré par dix SS allemands qui étaient secondés par leurs indispensables auxiliaires, quelque quatre-vingts SS flamands, les internés étant transformés en valets et en esclaves. Dans cette organisation hiérarchisée et rationnelle l’Aufnahme - la « réception » des arrivants - s’occupait de l’enregistrement des arrivants et de leurs biens en vue de leur spoliation.

Des cas d’insoumission

Les témoignages que Laurence Schram a patiemment recueillis au fil des années, éclairent avec réalisme et justesse la vie quotidienne sous tous ses aspects, que ce soit la faim et l’abondance, l’hygiène et la maladie, la mort et les sévices, mais également les cas d’insoumission et de résistance, voire des évasions.
Ainsi, Laurence Schram a replacé la caserne Dossin dans l’histoire de la Solution finale, un camp qui est tout à la fois l’aboutissement, la centralisation des rafles opérées en Belgique et dans le Nord-Pas-de-Calais entre août 1942 et 1944 et le point de départ vers Auschwitz-Birkenau. Le SS-Sammellager représente l’un des maillons du système nazi qui a mis en place la déshumanisation et la négation de l’homme. Cet ouvrage réussit à le localiser, à l’incarner et à l’enraciner dans un lieu concret dans l’histoire de la Shoah : la caserne Dossin de Malines.
Monique HEDDEBAUT

Laurence Schram, L’antichambre d’Auschwitz – Dossin, Ed. Racine, Fondation Auschwitz, Bruxelles, 352 pages.