GRÈVE DES MINEURS DE 1948

Après la répression, des familles marquées à vie

par Jacques Kmieciak
Publié le 4 décembre 2018 à 13:12 Mise à jour le 20 décembre 2018

La terrible répression qui s’abat sur les grévistes de 1948 n’épargne pas les anciens résistants au nazisme tel le délégué-mineur Joseph Coffre de Calonne-Ricouart. Un traumatisme pour ses proches.

En 1948, la Justice n’hésite pas à jeter en prison des grévistes qui se sont élevés contre l’occupant nazi et ses alliés vichystes quelques années auparavant. C’est la mésaventure vécue par Joseph Coffre (1900-1988), un ancien des Francs-tireurs et partisans (FTP). « Il a, pendant la guerre, mené des actions de résistance dans le Boulonnais et le Bassin minier  », souligne Marcel Coffre, son petit-fils et actuel maire de Marles-les-Mines. Arrêté, Joseph Coffre est incarcéré à la prison Saint-Nicaise d’Arras. Il est condamné en juillet 1942 à deux ans de prison « pour menées communistes ». « Il échappe de justesse à la déportation en Allemagne ; l’occupant n’ayant pu établir son rôle exact dans la Résistance  », poursuit Marcel Coffre.

Dans la clandestinité

A la libération, Joseph Coffre reprend ses activités à la CGT et au Parti communiste français. Il en avait chèrement payé le prix dans l’entre-deux-guerres. « Secrétaire du rayon communiste d’Auchel, ce mineur-maçon avait été congédié en 1931. Chômeur, il devient le trésorier-adjoint de la section locale de la CGT réunifiée en 1935. En 1938, il est élu délégué mineur de la fosse 5 des Mines de Marles avant d’être déchu de son mandat en 1939 », souligne l’historien Georges Sentis.

Marcel Coffre, maire de Marles-les-Mines. Son grand-père a participé à la grève des mineurs de 1948 ; il l’a chèrement payé.

Élu délégué-mineur à la fosse 5 à Auchel en 1945, Joseph Coffre se lance, le 4 octobre 1948, dans la bataille contre les décrets Lacoste, pour la défense du Statut des mineurs. Il est l’un des meneurs de la grève dans le Bruaysis. « A l’époque, mon grand-père habitait chez mes parents, rue de la Somme à Calonne-Ricouart. Activement recherché, il entre dans la clandestinité. La police multiplie alors les rondes dans la cité jusqu’au domicile de mes parents, pour mettre la main dessus. Mais sans succès ! Il était hébergé par des camarades  », sourit Marcel Coffre. Fin novembre, la grève prend fin. Joseph réapparaît au grand jour. Comme des centaines d’autres grévistes, il est arrêté et préventivement incarcéré à la maison d’arrêt de Béthune « parce qu’il était considéré comme un meneur ».

Rendez-vous à Grenay ce mercredi

Le mercredi 5 décembre à 19 h, Grenay donne « carte blanche » Pierre Outteryck, professeur d’histoire. Le documentaire Réparer l’injustice. La réhabilitation des mineurs de 1948, produit par l’Institut Varenne, sera projeté dans le cadre de ce Cinésandwichs. A l’espace Ronny-Coutteure, 26 bis Bd des Flandres à Grenay. Réservations : tél. 03.21.45.69.50

Un accouchement le matin, au tribunal l’après-midi

Il « est passé en procès le 10 janvier 1949, le jour de ma naissance. Mon père qui travaillait comme chauffeur à la CCPM (coopérative des Mines) a assisté à ma venue au monde à cinq heures et demi du matin avant de se rendre au tribunal dans l’après-midi pour apprendre que mon grand-père avait été condamné à deux mois de prison ! » commente Marcel Coffre. Licencié, Joseph exerce alors la profession de maçon et s’installe à Auchel. Il ne sera jamais réembauché par les Houillères. Pire, « celles-ci interdiront à leurs entreprises sous-traitantes de le faire travailler sur les chantiers », se désole son petit-fils. Et celui-ci de rappeler que « le sujet n’était pas tabou à la maison même si le traumatisme vécu par la famille était bien réel. Ma mère, aujourd’hui âgée de 92 ans, a été marquée à vie par cette histoire  ».