Centenaire du PCF

Cent ans ? La force de l’âge !

par Guillaume ROUBAUD-QUASHIE
Publié le 4 décembre 2020 à 12:48

Cent ans ! Évidemment, si vous voulez vendre un vélo ou un gadget, mieux vaut lui coller l’étiquette « nouveau » que « depuis 1920 ». La droite s’est d’ailleurs fait une spécialité dans le changement de nom : UNR, UDR, RPR, UMP, LR... À chaque saison, c’est la grande lessive des sigles, ce qui aide au passage à faire oublier les procès et scandales... Il paraît que cette mode gagne la gauche ces temps-ci. Pas sûr que ce soit un progrès : la politique, ce n’est pas de la quincaillerie. C’est bien trop sérieux pour la confier à des publicitaires. Eh oui, le parti communiste a 100 ans. On pourrait même aggraver notre cas car le Manifeste du parti communiste en a plus de 150. Sans parler de tout ce qu’ont pensé, rêvé, tenté à travers les siècles, tous ces lointains parents : esclaves se soulevant avec Spartacus ou Aristonicos, les turbans jaunes chinois, les Zanj des mondes arabes, les paysans de tous les âges... Non, le communisme n’est pas né de la dernière pluie. C’est qu’il correspond à une aspiration profonde face au spectacle cruel d’un monde injuste et sens dessus dessous, si loin des potentialités ouvertes par une humanité délivrée des mâchoires de l’exploitation, des dominations et aliénations. Ce grand âge, pour ce qui est du PCF, c’est même une grande chance : celle d’une immense expérience cumulée. Car notre drame à nous qui somment le grand nombre, qui créons les richesses, c’est bien celui-ci : comment réfléchir ensemble, agir ensemble autrement qu’en recommençant à chaque fois de zéro comme si aucun prolétaire n’avait jamais pensé ni agi ? Une organisation centenaire a accumulé un grand nombre d’expériences stratégiques, tactiques, politiques, théoriques. Pour aller droit, avancer, ne pas se faire rouler par les premiers manœuvriers venus ou les chants lancinants de l’idéologie dominante, ce n’est pas du luxe ! Bien sûr, ce n’est une chance qu’à la condition que cette expérience soit largement partagée et ne se perde pas dans les sables de l’oubli. Qu’à cette autre condition encore : que cette expérience ne soit pas plaquée sur un présent qu’on se refuserait à analyser, mais aide au contraire à le mettre en précieuse perspective.

Les jeunes communistes mobilisés pour le climat, un des enjeux majeurs du XXIe siècle, en mars 2019.
© Marc Dubois

Sans pouvoir aucunement résumer ici cent ans de Parti communiste français, tirons peut-être quelques fils. La question coloniale a laissé dans notre pays des traces très profondes, des blessures ouvertes. Mais qui sait aujourd’hui le rôle qui fut celui des communistes dans notre pays ? Qui sait qu’au lieu même où est aujourd’hui érigé le magnifique siège national du PCF, se tint en 1931 la contre-exposition coloniale vantant l’art de ces peuples dont Nicolas Sarkozy disait (il y a quelques années !) qu’ils n’étaient pas encore entrés dans l’Histoire... ? Les communistes menaient alors cette bataille dans une solitude radicale. Au-delà de la fierté qu’on peut ressentir, comment ne pas entendre les échos avec le présent quand les communistes expliquaient que les mêmes patrons exploitaient travailleurs colonisés et travailleurs de « métropole » ? Diviser pour mieux régner : cette devise-là non plus n’est pas récente. La conscience de classe, c’est toujours un combat. La Résistance ? On aurait pu penser que face à l’horrible ampleur de la répression anticommuniste et la si large place que prirent les communistes dans la Résistance, personne ne viendrait en 2020 contester au PCF le rôle absolument majeur qui a été le sien en cette époque où le courage se faisait si rare parmi les grandes forces politiques... Et pourtant, les manœuvres ne manquent pas. Il faudrait évoquer la mesquine opération de François Hollande refusant de faire entrer ne serait-ce qu’un communiste au Panthéon lors de l’hommage rendu aux résistants en 2015, la scélérate résolution du Parlement européen de l’automne 2019 assimilant nazisme et communisme ou les incessants délires de Michel Onfray répétant de plateau en plateau que les communistes n’ont jamais résisté... Sans oublier l’ignominieuse inscription « collabo » sur notre siège il y a quelques semaines. L’artiste C215 y a répondu de la plus éclatante manière en réalisant pour le PCF le fier portrait de résistants communistes absolument exemplaires, depuis le méridional Gabriel Péri jusqu’à cette haute figure du Nord, Martha Desrumaux. Car, par-delà les manœuvres qui ne déshonorent que leurs lamentables auteurs, quelle vivante source d’inspiration que la Résistance ! Quelle droiture et quel courage dans la grande mobilisation des mineurs de 1941. Quel sens de l’initiative et de l’audace dans l’organisation des Bataillons de la jeunesse, des FTP... Quel sens de l’unité et du rassemblement autour d’exigences fortes quand les communistes lancent, dans le prolongement du Front populaire, le Front national (qui n’a, bien sûr, rien à voir avec le parti qui volera ce nom plusieurs décennies plus tard). C’est de cette organisation que viendra le texte qui servira de base à l’élaboration du programme du Conseil national de la Résistance. Lisez ce programme quand vous aurez un moment. Quelle puissance inentamée !

Bien sûr, il faudrait aussi évoquer les échecs car, comme disait Lénine, il n’y a pas ceux qui commettent des erreurs et ceux qui n’en commettent pas, il y a ceux qui commettent des erreurs et en tirent les leçons et ceux qui commettent des erreurs et poursuivent sans tirer profit de leurs faux pas. Alors qu’un sondage vient de dire un doute majoritaire quant au caractère positif du capitalisme, la question de la perspective communiste est bien d’actualité. Que ce centenaire soit l’occasion de faire notre miel de ces décennies de si riches expériences. Les yeux rivés sur le présent et l’avenir, entrons pleins d’ambition dans notre nouveau siècle pour qu’il soit celui où, plus encore, nous contribuerons à changer profondément ce monde qui en a tant besoin.

Guillaume Roubaud-Quashie est historien. Il coordonne le centenaire du PCF pour le comité exécutif national du PCF. Il est l’auteur de Cent ans de Parti communiste français, aux éditions du Cherche-Midi, préfacé par Fabien Roussel.