L'ÉTAT « PATRON » FACE À LA MOBILISATION OUVRIÈRE

La répression s’abat sur le bassin minier

par Franck Jakubek
Publié le 9 novembre 2018 à 14:05 Mise à jour le 13 novembre 2018

Au sortir de la terrible Seconde Guerre mondiale, les restrictions et le rationnement sont toujours là. Il faut reconstruire, rebâtir un pays qui a souffert. Dans les mines, l’heure est à la production. Le charbon est vital pour l’effort industriel, pour se chauffer. Les demandes sont fortes et les mineurs sont en première ligne

Au sortir de la terrible Seconde Guerre mondiale, les restrictions et le rationnement sont toujours là. Il faut reconstruire, rebâtir un pays qui a souffert. Dans les mines, l’heure est à la production. Le charbon est vital pour l’effort industriel, pour se chauffer. Les demandes sont fortes et les mineurs sont en première ligne. C’est sur leurs épaules que pèsent bien des efforts. La nationalisation des houillères en 1946 a créé beaucoup d’espoirs vite déçus tant l’État se montre encore plus intraitable que les anciens employeurs des houillères. Le tout nouveau statut du mineur et ses garanties sur les salaires est rapidement remis en cause par le ministre de l’industrie, Robert Lacoste.

De la Loire au nord de la France

Du bassin de la Loire aux vallées de Lorraine en passant par le Nord et le Pas-de-Calais, toute la profession se mobilise pour obtenir de meilleures conditions de travail. En 1941, les mineurs avaient organisé la première grande grève de la période de l’Occupation. Un mouvement d’ampleur, durement réprimé, avec des exécutions, des déportations. Certains mineurs se remettent à peine de ses épreuves. Ils n’en seront pas moins sanctionnés à nouveau. Car tout l’appareil d’État s’affole, tout comme les institutions bourgeoises, dans la crainte d’une insurrection communiste fantasmée par la réaction. En pleine guerre froide, la psychose monte, alimentée par la propagande pro-américaine.

Jules Moch, ministre de l’intérieur socialiste se veut intraitable. La grève devient politique. La CGT est considérée « aux ordres de Moscou ». Le gouvernement envoie la troupe, les chars occupent les corons. Des milliers de mineurs, de délégués, de meneurs sont arrêtés. Les affrontements sont extrêmement violents. Six personnes seront tuées. Les licenciements frappent, en 48 heures les mineurs doivent quitter aussi leurs logements. Plus de mille trois cent condamnations à de la prison ferme sont prononcées. Les anciens combattants perdront même les grades et les médailles acquis pendant la guerre.

Une répression féroce

Ce n’est pas en 68 qu’est né le slogan « CRS=SS », mais bien dans la lutte des mineurs de 1948. Après l’occupation nazie, combattus dans les moindres recoins des corons, la présence de militaires, de policiers en armes, et violents, est insupportable pour les anciens résistants, pour les syndicalistes et les communistes qui voient une traîtrise de la part des socialistes à l’époque.

Et malgré les campagnes menées pour la réhabilitation et le rétablissement dans leurs droits des mineurs, injustement condamnés, et leurs descendants, l’État peine encore à reconnaître ses torts. Christiane Taubira, ministre de la Justice sous Hollande, viendra à Grenay en 2015 pour, enfin, dire et reconnaître l’injustice faite aux mineurs en 1948. Mais soixante dix ans après les faits, les réhabilitations et les indemnisations tardent encore. Puissions-nous pouvoir écrire un jour que justice a été entièrement rendue à la mémoire des militants de 1948. La République ne pourrait qu’en sortir grandie.

Franck JAKUBEK