La campagne de France

Le Nord envahi

par Franck Jakubek
Publié le 22 mai 2020 à 14:19

Depuis septembre 1939, la « drôle de guerre » est faite d’escarmouches, de reconnaissances, de coups de main. Des corps francs partent au renseignement, faire des prisonniers ou tester les défenses ennemies. Les avions s’affrontent mais au sol, c’est l’attente. Les Allemands en ont fini avec la Pologne. Le 10 mai 1940, les troupes d’Hitler se mettent en place. Trois groupes d’armées, au sud, au centre et au nord, se déploient. Celui du nord, soutenu par l’aviation et des largages de parachutistes, entre aux Pays-Bas. En quatre jours, la Wehrmacht*pousse les Pays-Bas à se rendre. Les troupes alliées, françaises et britanniques sont entrées en Belgique le 10 mai également.

Les Allemands, comme en 14, renouvellent la course à la mer. Et vont surgir des Ardennes qu’encore une fois notre état-major pensait infranchissables. Une fois la Meuse franchie, les Allemands cherchent à couper les troupes engagées au nord et en Belgique, de Paris et des renforts éventuels.Pour la troisième fois en moins d’un siècle, le Nord, le Pas-de-Calais,la Somme et l’Aisne sont au centre de la bataille.Les populations belges, les premières, fuient devant l’avance allemande. La peur des bombardements et la crainte de se retrouver, comme en 14, derrière les lignes allemandes et sous le joug des nazis, poussent des centaines de milliers de personnes sur les routes. L’exode entraîne femmes, enfants, vieillards en flots vers le centre de la France, loin des combats. Au flux des réfugiés se joignent vite les troupes disloquées tentant de se regrouper. La circulation des unités combattantes est fortement ralentie.

Les civils paient le prix fort. À Abbeville, le 20 mai, les avions allemands bombardent la ville pleine de réfugiés et font plus de 3 500 victimes. La moitié des bâtiments de la cité sont touchés ou détruits. À Maubeuge, au début de l’offensive, les canons de l’artillerie allemande avaient quasiment rasé la ville.Dans les deux cas, il n’y a pas d’explications tactiques à ces massacres et ces destructions. Pour la population, le choc est immense.D’un point de vue politique, la signature du pacte germano-soviétique le 23 août 1939, faute de réactions positives aux propositions d’alliance faites par l’URSS aux Français et aux Britanniques, a permis aux autorités françaises de mettre les députés communistes en difficulté.Le PCF a été dissout le 26 septembre 1939. Les députés du groupe ouvrier et paysan français qui n’ont pas condamné le pacte ont perdu leur mandat le 21 janvier 1940. En avril, un procès militaire les prive des droits civiques et inflige des peines jusqu’à cinq ans de prison ferme. Une injustice terrible pour les militants, plongés déjà dans le désarroi par le pacte. Le parti restera clandestin jusqu’à la fin de la guerre, au cours de laquelle ses membres paieront de leur vie leur engagement pour la France libre et le combat contre le fascisme.

Chaque année, une cérémonie a lieu au fort du Vert-Galant à Wambrechies, en mémoire des 92 résistants, communistes et gaullistes, fusillés par les autorités nazies entre octobre 1941 et décembre 1942. Le 27 mai, journée nationale de la Résistance, une cérémonie a lieu chaque année devant l’usine Fives-Cail à Lille à la mémoire des ouvriers et ingénieurs résistants fusillés et déportés. Le déconfinement devrait permettre un hommage plus solennel que pour les cérémonies du 8 mai, forcément plus restreintes en raison des conditions sanitaires actuelles.

*Armée allemande.

La guerre en chiffres

64 781 162 de victimes au total dont 42 186 200 civils morts sous les bombardements, déportés, massacrés ou tués par la faim.

  • - L’URSS compte de 21 à 25 millions de morts dont deux tiers de civils.
  • -La Chine perd 20 millions d’habitants dont un quart de militaires.
  • -Un demi million de Français perdent la vie.
  • -Le Reich Allemand perd 9,128 millions de personnes dont 5,318 millions de soldats.
  • -Deux millions de Japonais disparaissent dont 1,3 million en combattant.
  • -La Pologne perd 15 % de sa population dont 5,5 millions de civils, dont trois millions de Juifs, soit 90 % de la communauté d’avant-guerre.
  • -Plus de 6 millions de Juifs d’Europe ont été exterminés par les nazis et leurs alliés.
  • -Tsiganes, homosexuel(le)s, et peuples asiates ou slaves d’Europe (plus de trois millions de personnes) furent aussi massacrés ou exploités jusqu’à la mort. Des dizaines de millions de personnes furent déplacées.
  • -200 000 handicapés physiques ou mentaux furent euthanasiés dès le début de la mise en place du régime fasciste en Allemagne. Les opposants politiques (communistes, socialistes, syndicalistes...) ou religieux furent les premiers prisonniers des camps de concentration nazis.
Pour aller +loin

C’est à lire L’étrange Défaite de Marc Bloch, historien, spécialiste du Moyen Âge, il est, à 53 ans, « le plus vieux capitaine » de l’armée française. Il va tenir son journal de campagne. Un témoignage troublant sur les soubresauts des combats, loin des mythes franchouillards et du défaitisme des pétainistes. Résistant et juif, il est capturé, torturé et exécuté le 16 juin 1944 par la Gestapo.

  • De Munich à Vichy : l’assassinat de la Troisième République, 1938-1940, Annie Lacroix-Riz, historienne.
  • Un balcon en forêt de Julien Gracq, est une œuvre littéraire majeure qui dépeint en outre à la perfection la rupture entre la situation des soldats français en avant-poste dans les Ardennes et le choc des premiers échanges de tirs.

C’est à voir

  • En mai, fais ce qu’il te plaît de Christian Carion, tourné en 2014 dans l’Arrageois.
  • Les hommes d’argile de Mourad Boucif (2015) retrace l’histoire de tirailleurs marocains au cours de la campagnede 1940.