Quand Staline peut encore servir

par MICHEL CUCHEVAL
Publié le 6 décembre 2018 à 11:25 Mise à jour le 12 décembre 2018

La nouvelle exposition du Musée de la Résistance de Bondues, 1939-1945 - Répressions et déportations en France et en Europe, mérite mieux que la présentation qui en a été faite lors de son inauguration début décembre 2018.

Jusqu’au 8 mai 2019, le Musée de la Résistance de Bondues présente une importante exposition intitulée 1939-1945 - Répressions et déportations en France et en Europe. Une brochure et une douzaine de panneaux rappellent, chiffres et documents d’époque à l’appui, les aspects les plus douloureux des années noires, sans oublier ceux qui ont marqué notre région. C’est un travail d’enseignants en histoire, destiné aux élèves des lycées et collèges, dans le cadre du Concours national de la Résistance et de la déportation.
Pourquoi faut-il que la cérémonie inaugurale, début décembre, ait laissé une curieuse impression de malaise ? Les panneaux sont présentés les uns après les autres par leurs auteurs. Ils ont le louable souci de plonger l’exposition dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. C’est là que le bât blesse et que l’histoire s’efface devant la manipulation politique.
Un panneau présente d’abord quelques symboles : le faisceau fasciste, la croix gammée, la faucille et le marteau. Même taille, même noir pour les deux derniers. Soudain, une phrase, au micro : « Il y a mille différences entre nazisme et communisme mais ils ont une chose en commun, l’hostilité aux libertés de l’individu. »
Nazisme = stalinisme = communisme. On pouvait espérer que cette antienne rancie avait rejoint les poubelles de la vulgate réactionnaire. Il n’en est rien.
La suite révèle une démonstration laborieuse, mais tenace, au prix de quelques lacunes révélatrices. L’avant-guerre est évoquée, avec les premiers camps de concentration en Allemagne, la répression stalinienne, le pacte germano-soviétique… Mais pourquoi avoir « oublié » Munich et l’aide que Staline demandait, vainement, aux Occidentaux ?

Le « contexte » est lourdement simplifié. L’Armée rouge ? Stalingrad ? On apprendra au passage que les nazis massacraient les prisonniers soviétiques. Comment étaient-ils tombés entre leurs mains ? L’ouverture d’un second front à l’Ouest a-t-elle été retardée ? Mystères.
La Résistance dans le Nord-Pas-de-Calais ? Mystère encore, à part la grande grève des mineurs de mai et juin 1941. On saura pourtant que les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO) rejoignaient les maquis partout en France. Mais pas ou peu dans la région. Savez-vous pourquoi ? Parce que notre géographie se prêtait mal à ce genre de végétation. Personne n’a ri.
On a compris que pour étayer la thèse « communisme = atteinte aux libertés » il fallait non seulement y mêler les crimes de la période stalinienne, mais aussi nier l’existence des principaux combattants de la liberté, particulièrement dans notre région, ceux du « parti des fusillés ».
On pourrait poursuivre cette controverse sur le contenu. Inutilement. L’intention malveillante était patente avec l’intervention de l’un des derniers résistants de notre région, Pierre Charret 1. Son micro ne marchait pas et personne ne s’est soucié d’y remédier, malgré les protestations de la salle. En URSS, rares étaient les familles qui ne souffraient pas de la répression stalinienne, particulièrement dirigée contre les membres du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS). Plutôt que de tenter cette lamentable manipulation, il eût mieux valu rappeler simplement que, parmi les vingt millions de morts soviétiques de cette période, plus de cinq millions de soldats de l’Armée rouge sont morts au combat, que 60 % des prisonniers ne sont pas revenus. Ils sont morts pour nos libertés, y compris, hélas ! celle de salir leur mémoire.
C’est dommage : cette exposition mérite mieux que sa présentation.

1. Pierre Charret, cofondateur d’un groupe de Francs-tireurs et partisans français (FTPF) en 1943, sous-lieutenant des Forces françaises de l’intérieur en 1945, enseignant, militant communiste et syndicaliste, chevalier de la Légion d’honneur.