ANNIVERSAIRE DE L’ARMISTICE

Ce ne fut pas la « der des der »

par FRANCK JAKUBEK
Publié le 8 novembre 2019 à 18:42 Mise à jour le 9 février 2021

Le 11 novembre est le marqueur indélébile de la fin d’une tuerie de quatre ans dont notre région porta le plus lourd fardeau. Les remous du centenaire sont passés. L’impact du premier conflit mondial est toujours visible sur le sol de nos régions. Il nous semble qu’il le sera toujours.

Dans des centaines de cimetières militaires, de la côte à la Belgique, des millions de jeunes témoins reposent. Et les albums de famille ont conservé le visage de ces éternels jeunes hommes que désormais personne ne peut se souvenir d’avoir connu. Que de familles brisées par cette boucherie sans nom !

L’assassinat de l’archiduc Franz-Ferdinand, héritier de l’empire austro-hongrois, à Sarajevo met le feux aux poudres d’une Europe qui ne demande qu’à s’embraser. Le jeu des alliances entraîne toutes les nations dans un conflit mondial sans précédent. Les partisans de la paix ne sont pas écoutés.

Jean Jaurès, fondateur de L’ Humanité, le paiera de sa vie, assassiné le 31 juillet 1914. Les premières batailles de 1914 fauchent toute la jeunesse de France. Les revanchards de 1870 poussent les troupes à l’attaque à outrance, en ligne face aux mitrailleuses allemandes. Nos pioupious en pantalon garance fleurissent de leur sang les champs et pâturages. Paysans, ouvriers, instituteurs paient un lourd tribu dès les premiers mois de la guerre. Avec eux meurent leurs officiers, capitaines et lieutenants, jeunes diplômés, sursitaires, à la tête de leurs sections ou de leurs compagnies. Ils sont les premiers à mourir.

Une génération complète de futurs enseignants, cadres, écrivains, scientifiques... Charles Péguy, Louis Pergaud, ou Alain-Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes , tué dans la Meuse en 1915 et dont la dépouille ne fut localisée avec ses hommes qu’en 1991. Bien des champs renferment encore des corps de disparus ou des engins de mort toujours aussi dangereux.

Le poète Apollinaire, blessé au front par un éclat d’obus et trépané, fut emporté par la grippe espagnole à deux jours de l’armistice. Le peintre allemand Otto Dix, comme des dizaines d’artistes à l’époque, n’a de cesse de montrer au monde les horreurs qui imprègnent ses rétines. Les nazis allemands jetteront au feu une partie de son œuvre. Le bourrage de crânes est le surnom donné à la propagande d’État. Elle convaincra tous « ceux de 14 » qu’ils seront rentrés pour la Noël.

Quatre en plus tard, pour ceux qui eurent la (mal)chance de faire toute la guerre. D’autres rentrèrent plus tôt, estropiés, ou entre quatre planches. Ou plus tard. La sédition, la rébellion, les mutineries, ne seront bien visibles qu’après les « grandes offensives » meurtrières, assassines, comme celle du Chemin des Dames où les hommes tombèrent comme des mouches sans gagner un pouce de terrain.

Un bourrage de crâne qui fit de Philippe Pétain le vainqueur de Verdun, alors qu’il était au bord de la retraite et pas encore général lors de la déclaration de guerre. Ce qui nous coûta très cher lors de la Deuxième Guerre mondiale.

RENDEZ-VOUS

Rassemblement pacifiste le lundi 11 novembre 2019 à 10h45 à Escaudain (Nord)

Entre 1914 et 1918, il y eut 2 500 condamnés à mort dans les Conseils de guerre et 639 furent fusillés sur le front des troupes. Choisis au hasard ou parfois désignés comme « meneurs » parce que militants, syndicalistes notamment, ils furent exécutés pour l’exemple avec des balles françaises par des soldats français. Cette guerre, horrible et barbare, a fait des millions de morts, de blessés et de victimes civiles, dont ces 639 soldats et officiers tués PAR la France qui n’ont toujours pas été réhabilités. Le 6 avril 2019 à Chauny (Aisne), à l’initiative de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, a été inauguré le Monument en Hommage aux Fusillés pour l’exemple. Pour le 11 novembre 2019, la Fédération du Nord de la Libre Pensée organise, comme chaque année depuis plus de 10 ans, à Escaudain, un rassemblement devant le monument aux morts pacifistes de cette commune à 10h45 en présence de Bruno Saligot, maire (PCF) d’Escaudain.

À Beauvais, pour la Paix

Il y a 101 ans prenait fin la terrible boucherie de la Première Guerre mondiale. Mais l’humanité reste menacée par la sur-accumulation d’armes de destruction massive et les multiples foyers de guerre entretenus par les impérialismes et les nationalismes. À Beauvais (Oise) lundi, à 15h, église de Marissel, rue Jean-Jaurès, est organisé un concert pour la Paix, avec le violoncelliste Jacques Bernaert qui jouera une sonate de Zoltan Kodaly créée le 7 mai 1918 et une pièce de Christine Masseti commandée à l’occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre. Ensuite, un hommage à Jean Jaurès, devant la plaque de la rue, en souvenir de celui qui fut assassiné le 31 juillet 1914 pour avoir tenté de s’opposer à la guerre. « La Chanson de Craonne » , composée et chantée dans les tranchées pour dénoncer l’horreur et les responsables de la guerre, sera jouée au violoncelle à cette occasion. Puis, dans la salle municipale attenante, se déroulera une conférence-débat de l’universitaire Guillaume Fondu, sur Rosa Luxemburg, figure du mouvement socialiste et révolutionnaire allemand et polonais, féministe, emprisonnée pour son opposition à la guerre et assassinée en 1919, à Berlin, lors de la « semaine sanglante ». Un verre de la fraternité et de la paix clôturera l’après-midi. Entrée gratuite et table de livres tenue par la librairie Graines de mots.

(Photo : Une partie des œuvres du peintre allemand Otto Dix furent détruites par les nazis. Otto Dix, Flandres, 1936, huile et tempera sur bois, Staatliche Museen zu Berlin – Nationalgalerie © Fondation Otto Dix @ADAGP, Paris, 201)