Michel Alexandre Kwiatkowski succédé à son père au début des années 1960. 
© Jacques Kmieciak
Calonne-Ricouart

Narodowiec, une histoire à partager

par Jacques Kmieciak
Publié le 7 octobre 2022 à 11:33

Jusqu’au 21 octobre, la commune accueille une exposition autour de Narodowiec, l’emblématique quotidien en langue polonaise, disparu en 1989.

Cette exposition riche en témoignages nostalgiques a été conçue par l’Association des journalistes professionnels du Pas-de-Calais (AJP 62). Celle-ci a répondu à un appel à projets lancé par le Conseil départemental en vue de la célébration, en 2019, du centième anniversaire de l’arrivée des Polonais en France. « Ce journal a marqué l’histoire de la communauté polonaise de la région », souligne Reynald Clouet de l’AJP 62 dont l’équipe a sillonné le département en quête d’anciens lecteurs.

De droite et antisémite

Narodowiec (Le Nationaliste) est fondé en 1909 à Herne dans la Ruhr où vit une importante colonie polonaise. Son créateur ? Michel François Kwiatkowski, un homme politique d’extraction nobiliaire. Il le conçoit comme un outil de résistance à la germanisation des Polonais vivant en Allemagne. En 1924, il décide du transfert de l’imprimerie à Lens au cœur d’un Bassin minier où ont émigré des milliers de ses compatriotes. Dès lors, le quotidien d’inspiration démocrate-chrétienne éduque les masses ouvrières dans un esprit patriotique largement teinté d’antisémitisme. Il s’oppose cependant au maréchal Pilsudski puis aux colonels au pouvoir dans une Pologne en voie de fascisation. Cessant de paraître durant la guerre, Narodowiec fait son retour à la Libération, tirant alors « à 46 000 exemplaires », selon l’historien Jean-Paul Visse. Il assoit sa position hégémonique du fait de l’interdiction, en 1952 par l’État français, de Gazeta Polska, son rival influent auprès de la gauche polonaise. L’irréversible processus d’assimilation de la communauté polonaise portera cependant un coup fatal à son développement. N’ayant su amorcer le tournant du bilinguisme, Narodowiec s’éteint en juillet 1989.

Antisoviétisme hystérique

À travers cette initiative, « notre ambition est de transmettre cette histoire aux plus jeunes », précise Kevin Pohier, le directeur du Centre social La Maison Bleue de Calonne-Ricouart. Il est dommage cependant que cette « mémoire » soit amputée des réflexions des opposants à la ligne politique suivie par Narodowiec qui s’est largement distingué par son antisoviétisme hystérique. Un anticommunisme viscéral aujourd’hui relayé par l’un de ses thurifères, l’ancien consul de Pologne à Lille, Henri Dudzinski selon lequel «  la Pologne aurait recouvré son indépendance » (sic !) peu de temps après la disparition du titre. L’inféodation aux États-Unis et à l’OTAN du régime d’extrême droite qui sévit depuis 2015 au-delà de l’Oder, permet d’en douter.

  • Jusqu’au 21 octobre du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 13h 30 à 16h 30 au Centre culturel et de loisirs Isabelle Aubret, rue du Parc à Calonne-Ricouart. Gratuit. Rens. : 03 21 62 01 57.