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Le pavé dans la mare et la pétition

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 13 septembre 2019 à 09:19

C’est un nouveau pavé que Thomas Piketty vient de lancer dans la mare du capitalisme et celle des systèmes économico-politiques antérieurs, marqués du sceau de l’appropriation des richesses par la classe de possédants et par l’empreinte des inégalités. Les vagues qu’il est en mesure de provoquer tiennent moins au volume du « pavé » en question, un livre de 1232 pages intitulé « Capital et idéologie »  [1] , qu’au poids de son contenu. Thomas Piketty y démontre que les inégalités n’ont rien de « naturelles ».

Elles sont les fruits de constructions politiques et idéologiques. Ce fut le cas avec la soumission en esclavage des Indiens du Nouveau Monde puis la déportation massive vers celui- ci de noirs africains par les noblesses et les bourgeoisies naissantes européennes. Ces crimes ont été justifiés par une idéologie raciste. Elle affirmait que les Indiens et les Africains étaient des « sauvages », qu’ils n’avaient pas « d’âme », qu’ils n’étaient pas des humains à part entière et donc taillables et corvéables à merci.

C’est sur des socles idéologiques fabriqués de toutes pièces que se sont appuyées l’exploitation des humains et l’appropriation des richesses sanctuarisée par le droit à la propriété creuset des inégalités. « C’est le combat pour l’ Égalité et l’ Éducation qui a permis le développement économique et le progrès humain, et non pas la sacralisation de la propriété, de la stabilité et de l’inégalité » nous rappelle l’auteur.

En France, dans la nuit du 4 août 1789, les députés de l’Assemblée nationale constituante proclamèrent l’abolition des droits féodaux et de nombreux privilèges de la noblesse et du clergé mettant ainsi fin à un système inégalitaire séculaire. Et aujourd’hui ? Qu’inventer pour éliminer les inégalités liées notamment à une concentration extrême des moyens de production et d’échange ? Interroge Thomas Piketty estimant « qu’il est temps de dépasser le capitalisme ».

Il suggère la création d’une propriété sociale où les salariés seraient titulaires de 50% des sièges des conseils d’administration ; la création d’un cadastre financier international permettant de savoir qui possède quoi ; l’instauration d’un impôt annuel progressif sur la propriété, dont les taux iraient de 0,1 % pour les petits patrimoines (jusqu’à 100 000 euros) à 90 % pour les patrimoines supérieurs à 2 milliards d’euros, etc.

Ce livre paraît au moment même où les représentants du système, Emmanuel Macron son gouvernement et sa majorité appellent à renforcer la propriété privée en privatisant les biens nationaux comme ADP (Aéroports de Paris). Cette entreprise de 25 500 salariés, dont la nation est l’actionnaire majoritaire, a versé de 132 millions d’euros de dividendes à l’ État en 2018.

Une manne sur laquelle les capitalistes veulent faire main basse sous des prétextes fallacieux comme « la non compétence de l’ État à gérer une société et à toucher des dividendes » argué par le ministre de l’ Économie Bruno Le Maire, vrai ayatollah du libéralisme.

Par voie de pétition [2], plus de 710 000 de nos concitoyens s’opposent déjà à ce pillage. Avec 248 députés et sénateurs, ils réclament un référendum qui décidera du sort de ce joyau national. Les rejoindre est devenu un acte de salut public et sans doute le prélude à un grand débat national sur la question de la socialisation des grands moyens de production et d’échange, qu’alimente généreusement le dernier livre de Thomas Piketty qui vient de sortir en librairie.

Notes :

[1Thomas Piketty « Capital et idéologie » aux éditions du SEUIL