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Passant par Rungis...

par Philippe Allienne
Publié le 24 février 2023 à 16:32

Le président Macron nous a tellement accoutumés à ses sorties médiatiques et autres exercices de communication qu’il ne saurait désormais nous surprendre. Sauf peut-être en retirant ce projet inouï de contre-réforme des retraites. Il le peut ! Plus précisément, rien ne l’en empêche. La différence est de taille. Car on le sait tellement arc-bouté sur ce texte, en particulier sur l’article 7 portant sur le report de l’âge de départ en retraite, qu’il n’existe aucune chance pour qu’il écoute la rue. Alors, le voilà dès potron-minet à la rencontre du peuple qui se lève tôt et travaille dur. Les Halles de Rungis ! Entre deux carcasses de viande, il y explique la nécessité de travailler plus longtemps. En son temps, Giscard d’Estaing « s’invitait » à la table des humbles. Aujourd’hui, Macron emprunte à un sarkozysme arrogant et affiche une indifférence pour un peuple qu’il dit vouloir convaincre. Car la vérité que nous avons toutes et tous devinée depuis longtemps, c’est la volonté hors du commun que mettent le président et le gouvernement à passer en force. La leçon de choses donnée sur le marché de Rungis n’y changera rien. Pour preuve : si les travaux de l’Assemblée nationale se sont arrêtés sans que les députés aient pu examiner l’article 7, ces derniers avaient bien refusé de voter l’article 2. Ce dernier prévoit la création d’un index seniors avec pour but « d’objectiver la place des seniors en entreprise, d’assurer la transparence en matière de gestion des âges et de valoriser les bonnes pratiques en la matière ». Il s’agit en fait de garantir l’emploi des seniors. Mais cet article ne garantit pas que les seniors seraient protégés contre la maltraitance des entreprises et il compte sur le recul légal de départ en retraite pour augmenter le taux d’emploi de ces salariés. Un miroir aux alouettes qui a entraîné le refus d’une majorité des députés. Pourtant, les sénateurs, chargés maintenant d’examiner le projet, voient réapparaître cet article 2. Le gouvernement choisit de garder ou non, à sa discrétion, les amendements et travaux de l’Assemblée nationale et, en plus, il rétablit un article supprimé. Sachant qu’il a d’ores et déjà perdu la bataille de l’opinion, le gouvernement entend trouver tous les moyens en sa possession pour imposer sa réforme : article 47-1 pour limiter les débats à l’Assemblée, article 49.3, tri des amendements, bidouillage. Le comble est atteint quand on sait que le même président Macron pense à présent, et dans le flou le plus total, à la réforme des institutions. À considérer la manière dont est menée la réforme des retraites, nous sommes en droit d’avoir peur. Le président chuchote à l’oreille du peuple qui lui crie son désarroi. Mais le président n’entend pas.