Présenter l’addition

par JEROME LEROY
Publié le 24 février 2022 à 17:59

On dirait, décidément, qu’ils ne comprennent rien, qu’aucune preuve ne vient les faire sortir de leur psychose hallucinatoire. Par ce « ils », je veux désigner ceux qui, face à la crise sans fin dans laquelle le capitalisme financier a plongé les peuples, continuent à prôner la même politique avec les mêmes solutions qui ne fonctionnent pas, sauf pour une très petite minorité d’hyper-riches : le néolibéralisme. Bien naïfs ceux qui ont cru que le « quoi qu’il en coûte » de Macron signait la fin de cette idéologie mortifère. Souvenons-nous, c’était il n’y a pas si longtemps. Sidéré par la violence du virus, ses effets destructeurs sur les vies et l’économie, l’impréparation d’un hôpital ruiné par des logiques comptables, un soir de mars 2020, Macron jette aux orties ses propres principes thatchériens. Il faut se rappeler, mot pour mot, de ce qu’il disait alors : « Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi qu’il en coûte. (…) Il faudra tirer les leçons et interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies. » Deux ans après ce discours, qui aurait pu être celui d’un président de gauche, le modèle de développement n’est plus remis en question et surtout, on vient nous présenter l’addition, et elle va être salée. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire l’entretien avec Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, dans Libération et dont le titre résume bien la situation : « Quelles que soient les options politiques, la réflexion sur la dette est indispensable. » Vous avez bien lu. Moscovici, qui vient du PS et n’est pas pour rien dans sa quasi-disparition, explique froidement que gauche, droite ou extrême droite, de toute façon, c’est la dette qui commande. Pas de réflexion sur ce qu’elle est, juste l’idée qu’il faut la rembourser pour continuer à être crédible sur les marchés. Tout le drame est là, il explique la montée des populismes qui sont autant de protestations se trompant de colère contre ce talon de fer libéral. En admettant qu’il faille la rembourser, cette dette, on conseille à Moscovici et aux têtes molles néolibérales de réfléchir aux solutions proposées par les communistes : la dette, nous, on te la comble assez vite. Entre l’évasion fiscale et l’optimisation du même nom, à la louche, on récupère 90 milliards par an. Avec les dividendes versés aux actionnaires et le CAC 40 qui s’est goinfré à hauteur de 137 milliards en 2021, la dette non seulement elle est comblée mais en plus on te relance l’économie réelle et les services publics. Et on t’invite à relire Gouverner par la dette de Maurizio Lazzarato [1] : « La spécificité de la crise de la dette est que ses causes sont élevées au rang de remède. Ce cercle vicieux est le symptôme, non de l’incompétence de nos élites oligarchiques, mais de leur cynisme de classe. Elles poursuivent un but politique précis : détruire les résistances résiduelles (salaires, revenus, services) à la logique néo-libérale. »

Notes :

[1Les Prairies ordinaires, 2014.