Au revoir, les enfants…

par JEROME LEROY
Publié le 23 avril 2021 à 11:58

La France s’est longtemps glorifiée d’avoir un taux de natalité largement supérieur à celui de ses voisins européens. On peut voir sur le site de l’Insee qu’en 2018, encore, on pouvait compter sur 1,88 enfant par femme, ce qui faisait de nous les champions de l’UE. À croire que l’on suivait les conseils de Zola, anti-malthusien convaincu dans son roman Fécondité où il montre les malheurs qui s’abattent sur les nations sans nouveau-nés : « Rendre esthétique la femme féconde, la femme qui nourrit, la femme qui a beaucoup d’enfants. Contre la virginité, la religion de la mort, et pour l’expansion de tous les germes. » Sans être un acharné de la natalité, il est certain que faire des enfants est tout de même un signe d’optimisme. Mais, depuis le début de l’épidémie, l’effondrement est irréfutable. En février 2021, 1 860 bébés sont nés chaque jour, soit 5 % de moins qu’en février 2020. On peut comprendre les parents putatifs qui remettent à plus tard leurs projets (nitures) : les catastrophes abondent et surabondent. Le coronavirus mais aussi le réchauffement climatique, le chômage de masse, la tête à Blanquer qui fait peur aux enfants et celle de Zemmour qui fait peur à tout le monde… On a l’impression que tous les jeunes couples se sont mis à lire le philosophe Cioran (1911-1995), auteur d’un De l’inconvénient d’être né, livre qui devrait être interdit si l’on veut assurer la réussite du plan de relance et, accessoirement, l’avenir de l’espèce humaine. N’aurait-on pas constaté, du côté des services d’Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles, une hausse des achats des livres de ce penseur ironique, spécialiste de l’humour noir ? Cioran n’hésite pas en effet, tout au long de son œuvre à décourager les étreintes amoureuses dont le but est la procréation, jugée criminelle : « Ce n’est pas tant l’appétit de vivre qu’il s’agit de combattre que le goût de la “descendance”. Les parents, les géniteurs, sont des provocateurs ou des fous. » Avant d’ajouter plus loin, pour que les choses soient bien claires : « Les femmes enceintes seront un jour lapidées, l’instinct maternel proscrit, la stérilité acclamée. » En sommes-nous arrivés là, un demi-siècle et un virus plus tard ? Adrien Taquet tente de (se) rassurer en déclarant : « La baisse sera peut-être moins importante en France qu’ailleurs. Il faut voir si les politiques sociales et familiales vont à nouveau jouer. » Reste à savoir si les politiques familiales seront toujours aussi généreuses quand il faudra rembourser la « dette Covid » ? Car il semble bien que Macron et ses ministres regrettent déjà le quoi qu’il en coûte, au point de vouloir absolument nous faire vivre avec le virus. Les chômeurs en ont déjà un avant-goût, eux qui vont devoir choisir entre le frigo et le berceau : la réforme de l’assurance chômage va toucher 850 000 demandeurs d’emplois, avec des baisses mensuelles pouvant aller jusqu’à 250 euros…  Bref, si on n’a plus d’enfant, c’est peut-être la faute à Cioran mais si on n’est pas né, c’est sûrement la faute à Taquet.