Comme un asile en feu

par JEROME LEROY
Publié le 27 novembre 2020 à 11:09

Depuis neuf mois, la pandémie de Covid s’est doublée d’une maladie neurovégétative qui a touché la raison et le bon sens.

Cette maladie a d’abord atteint les chaînes info dont les défenses immunitaires étaient certes déjà bien faibles. CNews n’est plus désormais qu’un tunnel halluciné vers le fascisme : plus de cinq minutes à écouter Ivan Rioufol suffit à faire comprendre que cet homme souffre et que sa souffrance le rend dangereux pour lui-même et pour les autres.

Cette maladie a touché, et c’est plus grave, les scientifiques dont certains ont décidé, pour des raisons de renommée, d’egos surdimensionnés, de gros tirages de livres qu’ils n’ont pas écrits, de surfer sur la vague populiste et complotiste qui avait commencé à submerger la société bien avant la pandémie. Quant au pouvoir, ses mensonges fondateurs pour masquer l’incompétence et les résultats désastreux d’une politique libérale en matière de santé ont dangereusement discrédité la parole politique. J’ai eu souvent, ces derniers mois, l’impression de vivre dans un asile en proie à un incendie. J’ai vu aussi des gens que j’estime célébrer Raoult sous prétexte qu’il était antisystème alors que Raoult s’est systématiquement trompé et a systématiquement menti sur ses erreurs.

Raoult, c’est Trump avec des publications scientifiques et le même narcissisme délirant. J’ai vu aussi des gens prendre au sérieux Hold-up, la super-production complotiste sur Internet, ou au moins trouver que ça « faisait débat » ou « qu’on ne pouvait pas nier que... ». J’ai essayé ces derniers mois, en bricolant, de trouver quelques paroles non délirantes, voire pertinentes.Au bout de neuf mois, j’ai quatre noms, quatre que j’écoute ou je lis de manière un peu plus attentive. Ce sont les miens, il y en a sûrement d’autres. Mes critères sont assez simples : - eux ne se sont pas trompés (ou beaucoup moins et en reconnaissant à l’occasion quelques approximations) et n’ont pas cherché à en tirer une gloire particulière en devenant consultants et en s’inféodant ainsi aux chaînes info ;- eux ont été les cibles privilégiées de la haine en ligne, cette haine bien particulière des réseaux sociaux qui sentent le charnier, et ils ont subi sur les plateaux (où ils apparaissent assez peu ou pas du tout) l’impatience ou le mépris des journalistes et des politiques très majoritairement rassuristes/négationnistes.

Voici donc ma short list qui n’est pas un podium :-Karine Lacombe (cheffe du service d’infectiologie de l’hôpital Saint-Antoine),

  • Jean-François Delfraissy (président du conseil scientifique), - Catherine Hill (épidémiologiste et biostatisticienne), - Christian Lehmann (généraliste, écrivain et chroniqueur de l’épidémie de manière intermittente - il bosse, lui - sur le site du journal Libération). Il y en a surement d’autres mais ces quatre-là, au moins, ne prétendent pas être des guides, savent qu’il n’y a pas de sauveur suprême et, avec modestie, essaient d’éteindre l’incendie dans l’asile et d’indiquer les sorties de secours.