Jean-Paul Belmondo, acteur et cégétiste

par JEROME LEROY
Publié le 10 septembre 2021 à 10:27

Jean-Paul Belmondo est mort et on voudrait lui souhaiter un très bon voyage au paradis des acteurs mythiques parce qu’on lui doit parmi nos émotions cinématographiques les plus précoces, les plus durables et les plus hétéroclites. Ça commence avec Le Professionnel de Lautner, dialogues d’Audiard. On va voir ça au cinéma avec une de nos premières petites amies. Joss Beaumont est un agent lâché par les services secrets, quelque part en Françafrique et qui revient se venger. Il y a le Paris du début des années 80, aussi exotique aujourd’hui que celui de Stendhal. Et puis il y a aussi ce duel avec Robert Hossein, « le commissaire Rosen de la Brigade sauvage » sans compter la musique fabuleuse d’Ennio Morricone que des pubards iconoclastes (pléonasme) ont utilisé ensuite pour de la boustifaille de clebs. Bebel meurt à la fin, avec classe. À cette époque là, on faisait encore mourir les héros à la fin. Les happy ends n’étaient pas une obligation du cahier des charges. On devait être un peu plus adultes. Sinon, il y a aussi Le Magnifique de Philippe de Broca. Années 70. C’est encore un film du dimanche soir sur la première chaîne, à l’époque : une ode magnifique et rigolarde à ces écrivains forçats de l’Underwood qui sortaient des romans d’espionnage à la chaîne quand il y avait encore une littérature de gare et du populo qui préférait un bon roman du Fleuve noir à une bluette prétentieuse de Marc Mussy ou Guillaume Lévo. L’air de rien, c’est aussi un des films qui a le mieux compris la schizophrénie rêveuse des écrivains, c’est-à-dire comment se fait vraiment la littérature, grande ou petite. Mais le rôle qui nous reste le plus cher, c’est quand même celui de Michel Poiccard dans À bout de souffle de Godard. On voit ce film plus tardivement, au ciné-club, quand on commence à comprendre que la Nouvelle Vague n’est pas une avant-garde intello, mais une école de l’insolence, ce qui est beaucoup plus drôle. Avec Poiccard, Belmondo joue un grand garçon libertaire, truand maladroit, tueur par accident. Il décide de vivre intelligemment le laps de temps qui le sépare de son arrestation inévitable par les flics dont l’un est joué par l’écrivain chauve Daniel Boulanger, poète délicieux et regretté mort en 2014. Pour ce faire, Bebel-Poiccard drague Jean Seberg qui vend le Herald Tribune sur les Champs Élysées mais surtout, ce qui avait choqué à l’époque, il pisse après l’amour dans le lavabo de la jeune fille. Il lui a néanmoins demandé la permission, ce qui est une circonstance atténuante. Mais surtout, dans À bout de souffle, il a cette réplique définitive qui devrait servir de devise à tous ceux qui désirent éloigner de leur espace vital les importuns, les fâcheux et les malfaisants : « Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville, allez vous faire foutre ! » Une dernière chose : entre 1963 et 1966, Belmondo a été président du SFA-CGT et déclarait : « La CGT, c’est un syndicat comme les autres. Le spectacle, ce sont les quelque vingt mille comédiens, acteurs de cinéma, de théâtre, de télé, qui travaillent quand on veut bien leur en donner l’occasion et dont beaucoup ont bien du mal à vivre de leur métier, ce métier qu’ils ont choisi et qu’ils aiment. Et ceux-là, je vous assure, ils ont besoin d’être syndiqués et de se battre pour la vie. »