La démocratie, commerce non essentiel

par JEROME LEROY
Publié le 16 avril 2021 à 11:44

Ce qui est bien, avec Emmanuel Macron, c’est qu’on y voit tout de suite plus clair. Il a un calendrier bien en tête, notre souverain virologue, depuis qu’il a décidé du troisième confinement le 31 mars. D’abord, il a évité de le faire un 1er avril, ce qui aurait pu être gênant. Ensuite, il a annoncé que du 6 au 9 avril, les écoles, collèges et lycées fermeraient leurs portes et assureraient les cours « en distanciel ». On a vu que tout était parfaitement rôdé. Bien entendu, la plupart des élèves et des enseignants n’ont pas pu se connecter. La faute à Blanquer ? Pensez-vous, Blanquer ne se trompe jamais. Est-ce sa faute à lui si l’hébergeur OVH n’a pas fait son boulot ? OVH a répliqué qu’il n’y était pour rien, mais on les connaît ces gens-là : incapables de reconnaître leurs erreurs, contrairement au gouvernement. Blanquer a aussi annoncé que les plateformes pédagogiques avaient été victimes de cyberattaques venues de l’étranger. La faute à Poutine ? À Xi Jinping ? Aux deux ? C’est bien connu, une des plus grandes angoisses de la Chine et de la Russie est que Madame Lopez, professeur des 3ème 2 au collège Jacques-Prévert, puisse donner son cours d’histoire par écrans interposés. Et puis, nous a aussi dit Blanquer à qui décidément tout le monde en veut, c’est la faute aux collectivités locales qui n’ont pas installé les « tuyaux » adéquats. Mais ce n’est pas cela qui va perturber le calendrier. Ce mauvais moment oublié, tout le monde est autorisé à prendre ses vacances à la maison et à faire du tourisme dans un rayon de dix kilomètres (j’ai testé pour vous : ça permet une jolie promenade le long du canal de la Deûle entre la Citadelle et, disons, jusqu’à Wambrechies, et même, soyons fou, jusqu’à ce que l’écluse de Quesnoy-sur-Deûle soit en vue). Mais poursuivons : le 26 avril, les écoles reprendront, puis à partir du 3 mai, les collèges et les lycées (gardons une pensée émue pour la 3ème 2 de Madame Lopez la semaine du 26 avril au 3 mai). À partir du 3 mai, tout le monde sera en classe : « Je n’ai pas conditionné la réouverture des maternelles et des écoles, puis des collèges et des lycées, à des indicateurs sanitaires » a même déclaré Macron qui doit avoir lu une étude sur la question précisant que le virus obéit quand le surveillant qui fait la grille lui parle un peu fermement. Mieux, le 15 mai, on va rouvrir les terrasses, les lieux culturels et les commerces fermés. Et enfin, les 13 et 20 juin, nous pourrons voter pour les élections régionales. Ah, mais non, en fait, peut-être pas… Il faudrait voir à ne pas faire n’importe quoi. On pourrait aussi bien les repousser, ce serait peut-être plus prudent nous dit-on du côté du gouvernement. Emmanuel Macron a sûrement lu une autre étude : le virus aurait une prédilection pour les bureaux de vote. Cela n’a évidemment rien à voir avec le fait qu’une déroute totale menacerait la majorité. Et puis, est-on bien sûr que la démocratie soit un commerce essentiel ? Ce n’est pas l’avis de Blanquer qui a donné l’exemple en renonçant, la mort dans l’âme, à se présenter en Île-de-France alors qu’un triomphe l’attendait et qu’il aurait surement eu la voix de Madame Lopez.