La « valeur-travail », et puis quoi encore ?

par JEROME LEROY
Publié le 18 novembre 2021 à 22:09

Que ce soit par le préfasciste Z qui parle à Bordeaux des travailleurs (français, forcément français) « pleins d’abnégation », par l’idiote industrielle Agnès Pannier-Runacher et sa « magie » du travail à la chaîne ou par l’Élu des Marchés qui, dans sa dernière allocution, prononce vingt fois le mot travail et ouvre la chasse aux chômeurs, la valeur-travail est célébrée de toute part. Elle l’est en fait surtout par des gens, journalistes de garde, commentateurs des chaînes info ou des politiques, qui gagnent dix ou douze fois le Smic et s’étonnent que ces feignasses de jeunes n’acceptent pas de se crever la paillasse pour quelques centaines d’euros par mois. On entend pleurer les patrons de la restauration, on entend pleurer les patrons de la grande distribution, on entend pleurer les patrons du BTP, on entend pleurer les patrons de l’agroalimentaire : « Donnez-nous des jeunes, siouplait, donnez-nous des jeunes, sinon on va être obligés de prendre des immigrés. » Et aussitôt, sur les plateaux de télé, on entend la sinistre ritournelle : « C’est quand même fou, le chômage des jeunes alors qu’il y a tant de travail disponible. » Et les solutions sont toujours les mêmes. Il n’y a qu’à forcer le jeune à travailler. Méthode douce : on le « forme » et on lui donne 500 euros par mois, prière d’applaudir les gentils macronistes. Ou méthode dure : on supprime toutes les aides. Mais personne ne pose la question des salaires, chez ces gens-là, ils ne parlent que de la « valeur-travail », ils en on plein la bouche. Ils ne comprennent pas que la « valeur-travail » sent des pieds et de la bouche. Le travail est une malédiction biblique. On sait avec Marx qu’il a eu son utilité historique pour dominer la nature (maintenant, il la domine trop) et assurer notre survie puis notre vie. Maintenant, c’est fait. Maintenant, l’humanité aurait le droit de se reposer, d’aller à la pêche, de jouer de la musique et de vivre une vie réellement humaine. Tout est une question de redistribution. Des richesses mais aussi du temps. Il ne faut jamais oublier ce livre du gendre de Marx, Paul Lafargue, Le droit à la paresse. Il y a plus de cent ans déjà, Lafargue se demandait où était passé le temps gagné par les patrons grâce à l’augmentation de la productivité. Lafargue répondait : dans la poche des patrons. Quant aux travailleurs, ils travaillaient toujours autant. Je crois qu’un des arguments qui m’agace le plus de la part des partisans de l’âge de la retraite à 65 ou 67 ans, c’est l’augmentation de l’espérance de vie. Et quand je dis « qui m’agace », le mot est faible. Je trouve ça indigne : chez nous, lorsqu’on se promène dans les cimetières du bassin miner, on ne voit pas beaucoup de travailleurs qui ont eu le temps d’en profiter, de la retraite. Vouloir nous faire travailler plus et plus longtemps est une posture purement idéologique de la droite. Même le comité d’orientation des retraites dit qu’il n’y a aucun problème de financement jusqu’en 2070. Bref, la « valeur-travail », c’est l’autre nom de la soumission et de l’aliénation, hier comme aujourd’hui.