Le macronisme au temps du virus

par JEROME LEROY
Publié le 9 avril 2020 à 18:53 Mise à jour le 8 avril 2020

Vous vous souvenez, ils étaient jeunes, beaux, un peu arrogants : c’étaient les macronistes. Ils avaient été élus parce qu’ils étaient nouveaux. Ils avaient été élus parce qu’ils étaient compétents, on craignait juste que cette compétence les rendent trop sûrs d’eux. Mais non, parce qu’en plus, ils étaient formidables : ils savaient communiquer et surtout, ils allaient faire preuve de pédagogie. La pédagogie, déjà, en politique, c’est assez discutable. Ce mot appartient au champ de l’école, pas de la vie de la Cité.

Étymologiquement, elle renvoie à l’enfance. Faire de la pédagogie aux citoyens, c’est donc les considérer comme des enfants. Quand on considère des adultes comme des enfants, c’est en fait qu’on les prend pour des cons. Il a fallu, par exemple, avec pédagogie, expliquer que la retraite par points qui allait faire travailler dans des proportions variables tout le monde plus longtemps pour des revenus moindres était un grand progrès social. On a vu ce que ça a donné. Le macroniste n’est pas seulement un obsédé de la régression sociale pour tenter d’empêcher la baisse tendancielle du taux de profit de ses commanditaires patronaux, il est aussi une grosse nullité pédagogique. Parce que nous ne sommes pas des enfants mais aussi parce qu’il n’arrive pas à cacher, à chaque instant, son mépris de classe.

À l’occasion de cette pandémie, ce recours à la communication et à la pédagogie pour masquer l’incompétence, l’impréparation et une certaine insuffisance intellectuelle, atteint des sommets. Ce n’est pas un hasard si cette nul- lité se voit comme le nez au milieu de la figure chez Blanquer, ministre de la Continuité pédagogique, qui a la fascinante particularité de détester ses fonctionnaires et aussi les élèves. Il a fallu qu’on lui indique vertement que les profs futurs retraités par points allaient crever la dalle pour qu’il parle d’une revalorisation, mais cela le chagrinait tellement qu’il était fermement décidé à repenser le métier dans sa globalité, ce qui veut dire en gros que votre statut de feignasse, c’est terminé. Il n’aime pas non plus les lycéens.

Le prof de ZEP que j’ai été dans une autre vie se serait comporté avec ses élèves comme il s’est comporté avec les profs, il serait ressorti avec le slip sur la tête et « bouffon  » tatoué au marqueur sur le front.

Qu’est-ce qu’un lycéen en 2020 ? Pour aller vite, il s’est fait matraquer pendant le mouvement social en décembre, il a vécu dans le stress permanent de l’évaluation avec les E3C en janvier-février (usine à gaz typique du communicant qui prétend contre toute évidence qu’une chose est bonne alors qu’elle merdoie totalement) et en mars, il est confiné loin de sa petite copine et il doit se la mettre sous le bras alors que les beaux jours arrivent. Je ne laisserai jamais personne dire que 17 ans est le plus bel âge de la vie.

Mais nous n’avions rien vu. Blanquer, « fin connaisseur du système », à lui seul résume l’incompétence potentiellement meurtrière de la macronie face au Covid-19. C’est le roi de l’injonction contradictoire, c’est-à-dire ce qu’il faut surtout éviter en pédagogie. Le prof de ZEP que j’ai été dans une autre vie se serait comporté avec ses élèves comme il s’est comporté avec les profs, il serait ressorti avec le slip sur la tête et « bouffon » tatoué au marqueur sur le front. Et il l’aurait bien cherché.

Les écoles ne fermeront jamais ? Elles ferment le soir même. Les concours de recrutement auront lieu ? Ils sont repoussés. Les profs doivent rester à la maison mais ce ne sont pas des vacances et, comme les écoles sont fermées, des recteurs leur ont demandé de se déplacer jusqu’à un magasin pour échanger des cours et des documents avec les parents. Pour Blanquer, qui a enfin dû se résigner à informer les bacheliers sur la sauce à laquelle ils seront mangés, le virus est une offense personnelle qui sape son autorité et son génial projet de transformer l’éducation en préparation à l’économie de marché grâce aux neurosciences.

Sauf que pour nous, le virus, ce n’est pas une offense, c’est une blessure dont il faudra se remettre. Et j’ai comme idée que la guérison passera aussi par un Blanquer sortant sous les huées, le slip sur la tête et « bouffon » au marqueur sur le front.