Le nouvel « en même temps » de Macron

par JEROME LEROY
Publié le 26 février 2021 à 11:17

On se doutait déjà, depuis son élection, que le « en même temps de droite, en même temps de gauche » de Macron ne voulait rien dire et masquait surtout une politique qui serait économiquement de droite et, à la marge, sociétalement de gauche. Et encore ne faut-il pas être trop exigeant sur le rallongement de la durée légale de l’avortement, par exemple. Mais cette semaine, ce « en même temps » a montré, jusqu’au grotesque, ses limites. Parce que c’est « en même temps » qu’il envoie Frédérique Vidal déclarer la guerre à l’islamo-gauchisme et en même temps qu’il demande à Darmanin, l’homme qui trouve Marine Le Pen « trop molle », de dissoudre Génération identitaire, ce groupuscule de jeunes gens bien coiffés, aux 4x4 rutilants, qui rêvaient sans doute, quand ils étaient petits, de faire douanier ou chasseur alpin. Sur le papier, ça vous aurait plutôt une belle allure. Un vrai beau gouvernement républicain, façon Georges Mandel, qui déclare la guerre aux factieux d’extrême gauche et aux factieux d’extrême droite. Mais c’est sur le papier seulement. Pour le reste, c’est surtout faire du bruit avec sa bouche parce que ça ne veut rien dire sinon que du côté du pouvoir, on prépare (mal) la présidentielle de 2022. L’islamo-gauchisme, c’est une auberge espagnole. Chacun y met le gloubi-boulga de ses fantasmes et de ses trouilles. On peut être de gauche et réfuter sur le plan universitaire et politique des théories comme l’intersectionnalité ou ce poids de plus en plus important donné à la « race » contre la classe, ainsi que le montre le dernier livre de Gérard Noiriel et Stéphane Beaud, Races et sciences sociales (Agone). Il n’empêche qu’un gouvernement qui s’attaque frontalement aux libertés académiques des chercheurs, c’est quelque chose que les droitards adorent en général par un anti-intellectualisme qui remonte au moins à l’affaire Dreyfus. Quant à Génération identitaire, ce n’est que l’ultime surgeon d’Unité radicale (dont le discours à l’époque était fixé sur le complot américano-sioniste, comme quoi on change...), dissoute après la tentative d’assassinat de Chirac en juillet 2002. Bref, ils existent, mais ils ne représentent qu’eux- mêmes et ont l’importance que veulent bien leur donner des médias complaisants. Dans les deux cas, ce « en même temps » macroniste indique surtout que le président, requis par la crise sanitaire, ne sait plus trop comment piquer des voix à Marine Le Pen sans perdre celles de la gauche dans l’abstention, face à un second tour qu’il croit écrit d’avance. Ce en quoi il a évidemment tort. La dissolution de Génération identitaire n’occultera jamais non seulement une attaque en règle contre la recherche universitaire mais tout ce qui, dans l’exercice du pouvoir actuel, de la répression des Gilets Jaunes à l’instrumentalisation de la laïcité, fait du macronisme un nouvel en même temps : « en même temps de droite et en même temps... d’extrême droite. »