Le sale type

par JEROME LEROY
Publié le 14 janvier 2022 à 11:05

Blanquer est vraiment un sale type. C’est sans doute lui, le « bon élève de la Macronie » pour les journalistes, qui pourrait faire perdre son boss face à Pécresse, voire à Le Pen au second tour. On oublie toujours que la chute de Jospin au premier tour en 2002 n’est pas tant due à Taubira ou à Chevènement qu’à l’éparpillement du vote enseignant parce que, tout de même, Allègre, même remplacé par Lang, avait passé son temps à insulter la communauté éducative et à jouer l’opinion contre ces feignasses de profs. Blanquer, dans une hypocrisie monstrueuse, une tartufferie innommable, prétend être le ministre de l’école ouverte alors qu’il est, nous vous le disions la semaine dernière, celui des garderies du patronat. Seulement le réel, c’est quand on se cogne. Pour en avoir encore de nombreux profs dans mon entourage, je peux vous dire que l’école, en ce moment, c’est l’enfer ou sa banlieue. Une ou deux semaines de fermeture à la rentrée ou avant les vacances auraient été infiniment moins nuisibles pour les mômes que l’état de stress dans lequel ils se trouvent. C’est sûr que pour un apprentissage serein, attendre à neuf ans deux heures dans le froid qu’on te fourre un écouvillon dans le nez, c’est idéal. Un article du Monde a recueilli des témoignages qui en disent long : « En Bretagne, Malo, 9 ans, a fondu en larmes quand il a compris qu’il était cas contact dans son école. Tout s’est télescopé dans sa tête : la peur de l’écouvillon dans ses narines - une expérience vécue à quatre reprises en décembre -, l’inévitable annulation de son anniversaire ce week-end, l’absence de sa maîtresse malade, l’infection d’un camarade… “J’ai découvert une grande tristesse que je ne lui connaissais pas” rapporte sa mère. » Personne n’est parent pour vivre ça, personne n’est prof pour vivre ça et, en plus, personne ne vivant ces situations n’est fait pour entendre un psychorigide mégalomane dire que tout va très bien, madame la marquise. On s’inquiète pour cette génération d’enfants des effets du masque et des confinements, mais on pourrait aussi s’inquiéter de l’image qu’ils garderont de l’école malgré le dévouement des enseignants : un lieu chaotique où les adultes sont aussi paumés qu’eux, où les règles changent tout le temps, comme dans un mauvais rêve. Il faut que Blanquer paie, d’une manière ou d’une autre, sa faillite humaine, pédagogique et sanitaire. Et il n’y a pas 36 manières de le faire payer, lui et son N+1 :

  • que la grève du 13 janvier ne soit que le première, qu’il soit obligé de refermer les écoles une semaine ou deux pour faire baisser la pression et réorganiser le bouzin tant que faire se peut (jauge, masques, aérateurs car toute la France n’est pas en PACA...)
  • que Macron sache qu’il n’aura pas une voix de prof, pas une, si ce guignol reste aux commandes. Macron ne se contente pas d’« emmerder » les non-vaccinés, mais aussi, c’est passé inaperçu dans son entretien au Parisien, il veut faire exploser le statut des profs et régionaliser les politiques éducatives avec des chefs d’établissement transformés en patron de PME. Mais les beaux jours reviendront, forcément. On construira alors nos écoles dans des arbres et la poésie sera une matière avec un coefficient gigantesque pour passer le brevet du bonheur, que tout le monde aura de toute manière…