Les putschistes en déambulateur

par JEROME LEROY
Publié le 7 mai 2021 à 10:57

Des militaires ont-ils le droit de dire qu’ils s’inquiètent pour la France, demandent, faussement innocent, certains médias après la « tribune des généraux ». Eh bien, la réponse est claire. Non, ils n’en ont pas le droit. Le préfet Prouteau, ce gauchiste ancien chef du GIGN, rappelait que non seulement les militaires ont un devoir de réserve mais aussi une obligation de réserve. L’obligation de réserve s’impose au soldat comme s’impose au médecin le secret médical ou au curé celui de la confession. Pour une fois qu’Agnès Pannier-Runacher, la libérale macroniste, a eu un bon mot, empruntons-lui : il ne s’agit certes que d’un « quarteron de généraux en charentaises ». Mais dans le climat actuel qui règne en France, ou comme par hasard, parce qu’on est à quelques mois des élections, la surenchère sécuritaire revient accompagnée de lois de circonstance prises dans la dictature de l’émotion (on en est à la vingtième loi antiterroriste en vingt-cinq ans), ce n’est certainement pas le rôle d’une infime partie factieuse de l’armée de se transformer en agents électoraux de Marine Le Pen. Non, ils n’ont pas le droit de tenir un langage de guerre civile en disant la craindre alors qu’ils l’appellent de leurs vœux avec une joie mauvaise quand ils souhaitent voir leurs « camarades d’active » entrer dans la danse macabre pour rétablir l’ordre. Quel ordre, d’ailleurs ? Celui des bonnes vieilles dictatures militaires qui ont sévi dans le sud de l’Europe jusqu’au mitan des années 70 ? Inutile de se demander, d’ailleurs, pourquoi l’extrême droite a été inexistante et demeure marginale au Portugal, en Grèce, en Espagne : ils ont déjà donné. La tribune de ces généraux mettant en avant des arguments « civilisationnels » comme ils disent sont les mêmes que ceux des dictatures citées ci-dessus. Même discours sur la décadence, même discours contre l’ennemi intérieur (hier le communiste, aujourd’hui l’immigré terroriste, forcément terroriste). On va dire que je vois le mal partout mais il faudrait tout de même éviter de nous prendre pour des billes quand on choisit pour la publication cette tribune la date anniversaire du putsch d’Alger, soixante ans après jour pour jour. Au-delà du scandale que représente cette insulte à la République par quelques éléments qui ont pourtant, plus jeunes, fait le serment de la défendre, on se retrouve confronté aux conséquences de la disparition du service militaire. L’armée devrait être l’armée de la nation, celle des soldats de l’An II. On rappellera pour mémoire que ce sont les appelés en Algérie, précisément, qui ont fait échouer le putsch de 1961. On rappellera aussi à tous ceux qui craignent les « banlieues islamisées » que les noms des soldats engagés dans l’opération Barkhane et sur d’autres théâtres d’opération montrent bien que ceux qui meurent sous l’uniforme viennent aussi de ces quartiers que d’autres galonnés rêvent de voir soumis à la loi martiale.