Macron, le bon copain

par JEROME LEROY
Publié le 4 juin 2021 à 14:50

Dans une démocratie, il paraît que les électeurs se rendent aux urnes en fonction d’un programme. Je serais hâtif, j’en déduirais que nous ne sommes pas en démocratie. Un sondage qualitatif d’Ipsos de 2017 révélait que 8 % des Français avaient voté pour Macron en raison de sa personnalité. Cela représentait environ 700 000 voix. On se souvient peut-être encore qu’à l’époque les quatre premiers se tenaient dans un mouchoir de poche et que Mélenchon aurait été au second tour à 600 000 voix près. Mais la jeunesse du candidat Macron, sa « modernité », son « ouverture » lui ont donné l’avantage décisif. Qui se serait penché sur son programme aurait vu qu’il était de fait banalement libéral et même thatchérien. La modernité de Macron consistait à miser sur un démantèlement de l’État-providence qui l’a poussé, à peine élu, à prendre des mesures aussi symboliques que la suppression de l’ISF et, « en même temps  », à réduire les APL. Quant à sa personnalité, elle est vite apparue cassante, voire méprisante, envers tous ces gens « qui ne sont rien  » et tous ces jeunes qui n’avaient qu’à traverser la rue pour trouver un travail. La révolte des Gilets jaunes est arrivée et on a pu mesurer à quel point sa personnalité, justement, était devenue l’objet d’un rejet viscéral. C’est le risque quand on joue cette carte-là pour cacher son projet. Un moment arrive où le citoyen se heurte au réel du programme et s’aperçoit qu’une élection présidentielle n’est pas un concours de beauté. Il n’empêche, à l’approche de 2022, le seul espoir pour Macron est de restaurer sa personnalité puisqu’il n’a pas l’intention de changer de programme : en témoigne son envie toujours présente de casser le système de retraite ou de se montrer plus dur avec les plus fragiles : voir la loi sur l’indemnisation des chômeurs. Il lui faut donc oublier cette image de président des riches. Alors Macron, d’un seul coup, aime à nouveau la jeunesse. Ou plus exactement ce qu’il croit être la jeunesse : des geeks qui se contenteraient de traîner sur les réseaux sociaux pour écouter les influenceurs. D’où son histoire d’amour avec Mcfly et Carlito. Et que je te lance des défis, et que je m’amuse avec eux à l’Élysée dans une battle [1] d’histoires belle comme un jeu télévisé de mi-journée. Il ne viendrait pas à l’idée de Macron que Mcfly et Carlito ne résument pas à eux seuls la jeunesse et sûrement pas la jeunesse qui bosse pour obtenir des diplômes dans un système scolaire dégradé, confrontée à la misère étudiante, la jeunesse qui a travaillé en première ligne dans les hôpitaux submergés, la jeunesse qui doit se contenter de boulots précaires dans une économie ubérisée. Celle-là, on n’en parle pas, des fois qu’elle se mette à avoir une conscience de classe. Alors, Macron veut juste paraître «  sympa ». C’est ce qui m’a le plus gêné dans cette histoire de Mcfly et Carlito : qu’un président se comporte comme ces mauvais profs démagos qui la jouent « copain » avec les élèves. En général, pour les profs en question, ça ne marche pas. Espérons que Macron connaîtra le même sort...

Notes :

[1Bataille, concours