Mépris de classe

par JEROME LEROY
Publié le 19 octobre 2021 à 16:49

Il faut que je fasse attention. Zemmour provoque chez moi des envies de mépris de classe. Et le mépris de classe, ce n’est pas bien. Le mépris de classe, c’est ce que j’ai souvent reproché dans Liberté à une certaine gauche bourgeoise au moment des Gilets jaunes. Alors, je dois faire un effort, à mon tour, pour ne pas mépriser les fans de Zemmour qui nous sont complaisamment montrés dans les médias, en train d’acheter son livre pour enrichir un peu plus le « polémiste » comme on dit aujourd’hui pour parler d’un raciste de première bourre…
 Qui serais-je, en effet, pour mépriser ces gueules de puceaux à mèche blonde sur le front national comme les décervelés du GUD [1] dans les années 80 mais en moins musclés ? Ces fils décavés de notaires consanguins qui ont eu du mal à décrocher leur BTS dans une boîte privée et qui sont persuadés que leur gourou est un intellectuel alors qu’il a une culture de pion ou de rubricard à Historia ?
 Qui serais-je pour mépriser leurs sœurs, pétasses intégristes en serre-tête, plus vraies que leurs clichés, avec des rêves humides de mâles mahométans qui leur vient au bout de six mois de mariage avec une face d’endive à particule, des rêves qu’elles n’osent même pas dérouler dans le confessionnal alors que pourtant le prêtre de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, consultant à CNews, trouve que c’est quand même la meilleure partie du métier ? 
Qui serais-je pour mépriser ces post-pétainistes des bocages, ces permanentées mauves et ces alopéciques en surpoids triste qui font la queue pour aller faire signer une daube absolument dépourvue de ce panache et de ce style qui font que, parfois, on peut trouver des excuses à des salopards. Qui serais-je pour mépriser ces gens qui se réfugient dans une croisade identitaire au nom de la « Phrance » alors que ces brillants patriotes sont des champions de l’optimisation fiscale ? Qui serais-je pour mépriser ces gens qui ont toujours préféré leurs intérêts de classe à la nation, passant de Versailles à Vichy avec une impressionnante souplesse qui leur aura fait dénoncer sans trop de scrupules le communard, le Juif, le communiste, mais pour le bien de la « Phrance », évidemment, la « Phrance », toujours, et la « pompe à Phynances » comme disait Alfred Jarry ? 
 Qui serais-je pour mépriser leurs bibliothèques aux reliures François Beauval, leurs héritages de plus en plus maigres attendus dans des aigreurs d’estomac de plus en plus inquiètes, ces lettres de pétitions écrites pour refuser qu’on installe un centre éducatif fermé dans leur chef-lieu de canton alors qu’ils braillent chaque jour que Dieu fait contre la complaisance des juges rouges pour les délinquants allogènes ? 
 Oui, qui serais-je pour mépriser ces moyens-riches, ces demi-sachants, ces trouillards définitifs et haineux comme tous les gens qui ont la trouille ?
 Non, je saurai résister. Les zemmouriens ont sûrement leur part d’humanité. Peut-être faudra-t-il en passer par une trépanation, mais on la trouvera. On trouve toujours à la fin.

Notes :

[1Pour les plus jeunes de nos lecteurs, le GUD (Groupe union défense) était un syndicat étudiant d’extrême droite dont les matraques étaient les principaux arguments.