Pas de liberté pour les ennemis de la liberté

par JEROME LEROY
Publié le 10 décembre 2021 à 12:25

Ce qu’il y a de plus agaçant, sans doute, dans le phénomène Zemmour, c’est le côté chochotte de ces fanatiques de la virilité et du masculinisme. Ça chouine, ça couine, ça pleure partout, tout le temps parce qu’on fait rien que d’être méchant avec eux. Avec un culot assez ébouriffant, Zemmour et ses affidés se présentent comme des victimes alors que le candidat est explicitement soutenu par un empire médiatique et éditorial, celui de Bolloré, et dispose d’une chaîne d’info en continu dédiée, CNews, où les braillages de comptoir ont en général pour sujet : « Zemmour a-t-il raison ou est-il dans le vrai ? » Mais ça ne lui suffit pas, à Zemmour. Il faudrait que le monde entier soit façonné par Bolloré. Sinon, c’est trop dur pour le sauveur autoproclamé de la France blanche. Par exemple, le journaliste Gilles Bouleau, leader bien connu de l’ultragauche, a interrogé Zemmour au 20 heures de TF1, célèbre chaîne antifasciste. Comme Bouleau a osé poser des questions, le journaliste traité a été traité de « procureur » et de « connard » par Zemmour, tout étonné de n’avoir pas eu le droit à un baiser avec la langue comme il était habitué à CNews. Et cette hypocrisie pleurnicharde des zemmouriens ne s’arrête jamais. Quand le Prophète des gargotes du VIe arrondissement aux additions à trois chiffres daigne sortir de sa Cité interdite pour aller voir les Français et qu’il se cogne au réel, ça recouine, ça rechouine, ça repleure : il voit des antifas partout. Mais, tête de piaf, quand tu insultes le quart des Français, que tu les agresses, que tu réintroduis la violence dans le discours politique, il ne faut pas t’étonner de prendre la violence dans ta face. S’il te plait, ne fais pas tes yeux de cocker préfasciste en allant te faire plaindre chez Bolloré. Ça s’appelle une campagne électorale, mec. C’est toi qui fixes son degré de violence, comme les forces de l’ordre fixent le degré de violence d’une manif. Tu as décidé de cogner, alors en face, ça va cogner aussi. Demande à Le Pen père, ton pote. En 1984, pour les élections européennes, il avait voulu tenir un meeting à Rouen, place du Boulingrin. J’avais dix-neuf ans. J’ai bouffé avec quelques autres mes premières lacrymos. Cela a été un bordel monstre. On ne savait plus qui étaient les flics et qui était le service d’ordre parce que celui du FN portait à l’occasion de vieilles tenues de CRS - j’ai raconté cet épisode dans mon roman Le Bloc. Le Pen, au moins, il n’était pas dans la plainte, il n’avait pas une chaîne de télé derrière lui, au contraire. Il acceptait les conséquences : quand tu portes un discours raciste et violent, tu trouveras forcément des gens pour qui tu franchis une ligne inacceptable, et qui voudront te faire fermer ta bouche. Et comme il paraît que tu aimes l’histoire, tu connais la phrase de Saint-Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. » À bon entendeur.