Quand les poètes voyagent (2)

par JEROME LEROY
Publié le 9 juillet 2021 à 12:58

L’été est la saison des voyages, réels ou imaginaires. Le Talon de fer vous propose une petite anthologie estivale grâce à des poètes d’hier et d’aujourd’hui, connus ou moins connus mais qui incitent tous à la rêverie. Cette semaine, Valery Larbaud.

« L’ancienne gare de Cahors »

Voyageuse ! ô cosmopolite à présent
Désaffectée, rangée, retirée des affaires.
Un peu en retrait de la voie,
Vieille et rose au milieu des miracles du matin,
Avec ta marquise inutile
Tu étends au soleil des collines ton quai vide
(Ce quai qu’autrefois balayait
La robe d’air tourbillonnant des grands express)
Ton quai silencieux au bord d’une prairie,
Avec les portes toujours fermées de tes salles d’attente,
Dont la chaleur de l’été craquèle les volets...
Ô gare qui as vu tant d’adieux,
Tant de départs et tant de retours,
Gare, ô double porte ouverte sur l’immensité charmante
De la Terre, où quelque part doit se trouver la joie de Dieu
Comme une chose inattendue, éblouissante ;
Désormais tu reposes et tu goûtes les saisons
Qui reviennent portant la brise ou le soleil, et tes pierres
Connaissent l’éclair froid des lézards ; et le chatouillement
Des doigts légers du vent dans l’herbe où sont les rails
Rouges et rugueux de rouille,
Est ton seul visiteur.
L’ébranlement des trains ne te caresse plus :
Ils passent loin de toi sans s’arrêter sur ta pelouse,
Et te laissent à ta paix bucolique, ô gare enfin tranquille
Au cœur frais de la France.

Valery Larbaud