« L’ancienne gare de Cahors »
Voyageuse ! ô cosmopolite à présentDésaffectée, rangée, retirée des affaires.Un peu en retrait de la voie,Vieille et rose au milieu des miracles du matin,Avec ta marquise inutileTu étends au soleil des collines ton quai vide(Ce quai qu’autrefois balayaitLa robe d’air tourbillonnant des grands express)Ton quai silencieux au bord d’une prairie,Avec les portes toujours fermées de tes salles d’attente,Dont la chaleur de l’été craquèle les volets...Ô gare qui as vu tant d’adieux,Tant de départs et tant de retours,Gare, ô double porte ouverte sur l’immensité charmanteDe la Terre, où quelque part doit se trouver la joie de DieuComme une chose inattendue, éblouissante ;Désormais tu reposes et tu goûtes les saisonsQui reviennent portant la brise ou le soleil, et tes pierresConnaissent l’éclair froid des lézards ; et le chatouillementDes doigts légers du vent dans l’herbe où sont les railsRouges et rugueux de rouille,Est ton seul visiteur.L’ébranlement des trains ne te caresse plus :Ils passent loin de toi sans s’arrêter sur ta pelouse,Et te laissent à ta paix bucolique, ô gare enfin tranquilleAu cœur frais de la France.
Valery Larbaud