Une étrange envie d’Allemagne

par JEROME LEROY
Publié le 1er octobre 2021 à 11:24

Je n’aurais jamais cru écrire ça, mais depuis dimanche soir, l’Allemagne me fait envie. Longtemps, les économistes austéritaires et leurs (très) nombreux relais médiatiques nous citaient l’Allemagne en exemple. C’était désespérant. Ce qui se faisait outre-Rhin était toujours mieux que ce qui se faisait en France. On nous expliquait à quel point l’Allemagne était mûre et sérieuse alors que nous n’étions que des enfants agités et dépensiers. Leurs choix industriels étaient meilleurs que les nôtres, ils avaient la culture du compromis dans le domaine politique mais aussi dans le domaine social où les syndicats cogéraient avec les grands patrons. On appelait ça le capitalisme rhénan et puis plus tard l’ordolibéralisme. Dans les deux cas, il s’agissait de réguler le libéralisme sans l’entraver. Le SPD de Schröder, avec son agenda 2010, a changé le marché du travail, repoussé la retraite à 67 ans, augmenté la pauvreté et quand Angela Merkel succéda à Schröder, les conservateurs de la CDU n’eurent qu’à continuer dans les rails posés par le SPD. À travers Merkel, durant 16 ans, la même politique de rigueur fut conduite au nom des intérêts de l’Allemagne et de l’Union européenne, les deux souvent confondus par Berlin. Les Grecs s’en souviennent encore, qui ont dû rentrer dans le rang après que Tsípras et Syriza furent victimes d’un véritable coup d’État bancaire, des distributeurs de billets vides valant largement des chars aux carrefours. Bref, rien qui ne puisse nous enchanter. Mais depuis, la France a changé. Ou plutôt, le discours de l’extrême droite, banalisé et répercuté à l’infini, fausse la vision que nous avons de nous-mêmes. Si l’on regarde notre vie politique actuelle, à quelques mois de la présidentielle, elle est devenue illisible, à ceci près qu’après la lepénisation des esprits, c’est la zemmourisation qui donne le la des sujets censés intéresser les Français. Pour aller vite : l’identité, la sécurité et l’immigration. Peu importe qu’une étude récente sur les fractures françaises montre que la première préoccupation des Français est l’environnement suivie de près par la protection du modèle social. On préfère la course à l’échalote dans la radicalisation raciste. C’est sans doute pour cela que la dernière campagne électorale allemande, plutôt que d’agacer, cette fois-ci, pourrait inspirer une certaine envie. Rien d’exaltant sur le papier, le candidat du centre gauche pourrait prendre l’avantage sur le centre droit, les Verts sont déçus de leurs 15 %, un score qui ferait pourtant pâlir d’envie Yannick Jadot. En plus, ce n’est pas très grave, si ça se trouve, ils finiront par gouverner ensemble. Le plus étonnant, c’est que les Allemands n’en veulent pas plus que ça à Merkel qui avait laissé entrer, par humanité, deux millions de migrants à l’été 2015. L’AfD, le parti d’extrême droite, s’est effondré et se retrouve à 10 %… Les thèmes de campagne n’ont pas été le « grand remplacement », mais l’écologie, le climat et la nécessité de revaloriser le salaire minimum. Ne serait-ce que pour ça, en ce moment, l’Allemagne me fait envie.