La vision de Zemmour, il faudrait désormais vivre sur la Lune pour ne pas l’avoir compris, repose sur des bases ethniques et essentialistes. Pour dire les choses un peu plus brutalement, sur des bases racistes. Il a d’ailleurs été condamné deux fois en justice pour ça. Lui qui est si sévère avec la délinquance devrait s’appliquer à lui-même sa rigueur. Imagine-t-on, pour l’image de la France, un président condamné deux fois ? Mais Zemmour ose tout, comme les cons chez Michel Audiard qui dit que c’est même à ça qu’on les reconnaît. Le racisme de Zemmour s’applique aux Arabes, principalement. Il dit les islamistes, mais comme il pense que tous les musulmans sont des islamistes et que tous les musulmans sont des Arabes, on voit bien qu’il revient au bon vieux racisme Le Pen père qui aime beaucoup Zemmour. Pour Zemmour, l’islam n’est pas compatible avec la République, ce qui veut dire, si vous me suivez, que ce sont les Arabes et beaucoup d’autres étrangers, qui ne sont pas compatibles avec la République. Le rêve humide de Zemmour, c’est d’exclure de facto plusieurs millions de Français de la communauté nationale. Parce que pour lui, un Français, c’est blanc et ce n’est pas islamiste. En fait, sur cette question, il faudrait, pour comprendre l’obsession de Zemmour, en revenir à René Girard et à sa théorie du désir mimétique qui dégénère en rivalité mimétique. La France blanche voulue par Zemmour est une France qui voudrait reprendre à l’Autre, en l’occurrence l’islamiste, sa propre vision à son profit : la volonté de soumettre un ennemi par tous les moyens. On se souviendra peut-être que Zemmour, en octobre 2016, avait déclaré à propos des djihadistes : « Je respecte des gens prêts à mourir pour ce en quoi ils croient, ce dont nous ne sommes plus capables. » Sa vision est en miroir à celle des islamistes. Par exemple, lui aussi veut des femmes à leur place qui feront ce qu’on leur dit : l’islamiste les voile obligatoirement, Zemmour les dévoile tout aussi obligatoirement. Une police du vêtement se substitue à une autre mais c’est toujours une police. Il y a aussi chez Zemmour, sans qu’il ait l’air de s’en rendre compte, un autre fantasme. Sa vision de la France ressemble aussi étrangement à celle des sociétés asiatiques comme le Japon, Taïwan ou encore la Corée, c’est-à-dire des sociétés ethniquement homogènes. Dans les trois pays cités, il n’y a pas d’immigrés ni d’immigration. En plus, ces sociétés sont à la fois hypercapitalistes et hyperprotectionnistes. Zemmour ne parle pas beaucoup d’économie mais ce qu’il laisse filtrer, c’est un mélange de nationalisme économique et d’ultralibéralisme. On protège les frontières, mais à l’intérieur, c’est le talon de fer. La vie des citoyens est entièrement tournée vers le travail. L’entreprise a tous les droits sur l’individu et les syndicats sont inexistants. L’autorité politique n’est jamais remise en question. Regardez leur gestion du Covid. On s’est plaint chez nous, parfois avec raison, des atteintes aux libertés mais pas dans les pays asiatiques où l’obéissance a été aveugle. Bref, la France de Zemmour, ce serait seulement des travailleurs blancs soumis à un ordre moral et économique impossible à remettre en question. En science-fiction, on appelle ça une dystopie ou, si vous préférez, un cauchemar totalitaire.
Le Talon de Fer par Jérôme Leroy Utopie concrète
