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Ce lointain pays qu’on enchaîne

par Philippe Allienne
Publié le 27 août 2021 à 10:24 Mise à jour le 28 août 2021

Étonnant, ce reportage évoqué ce mercredi 25 août dans la matinale de France Inter. Une équipe de Radio France présente à Kaboul demande à des talibans qui patrouillent dans les rues s’ils peuvent les emmener. La réponse est affirmative. Les deux reporters embarquent à l’arrière du véhicule. Les combattants leur demandent juste de faire attention à ne pas fouler du pied le lance-roquette planqué sur le plancher. Pas de souci de ce côté, à Radio France, on sait se montrer poli et soigneux. Et voilà l’équipage qui s’offre une petite balade de santé dans la capitale. Il y a même un guide pour commenter : «  Vous voyez, tout est calme. Il n’y a plus de vols, ni de violences. Nous avons rétabli l’ordre. » Tout va bien dans le meilleur des mondes. Les journalistes français ont trouvé des talibans sympas, garants de la tranquillité de tous (de toutes aussi ?). Cela fait un peu penser à ces photos des gardiens de la révolution, en Iran, prises par des journalistes français peu après la prise de pouvoir par Khomeini, en 1979. Fusil à la main, les nouveaux maîtres de l’Iran posaient volontiers devant l’objectif. Retour à la réalité. Mercredi 25 août, toujours. La rédaction de Liberté Hebdo recueille un témoignage. À Kaboul, le matin même, un infirmier afghan a vu arriver chez lui quatre talibans en armes. Ils avaient repéré son nom sur une liste de personnes ayant travaillé pour les États-Unis ou pour l’Otan. « Tu as travaillé avec des Français !  » lui ont-ils reproché avant de le passer violemment à tabac. Un autre les a finalement empêchés de commettre le pire. Mais on sait que les visites ciblées au porte à porte, chez les gens que les talibans veulent arrêter, sont fréquentes. Ailleurs, comme à Kandahar, ils ont procédé à des exécutions publiques. Les personnes qui étaient proches du gouvernement précédent, les membres ayant exercé des responsabilités au sein de la police ou de l’armée, les journalistes, etc. figurent sur les « listes prioritaires » de ceux qu’il faut arrêter. Les propos rassurants de talibans assurant qu’ils ne chercheraient pas à se venger de leurs opposants ne sont que purs mensonges. C’est la même chose pour les discours lénifiants promettant la liberté des femmes. Le monde regarde ce pays se faire enfermer sous une chape de plomb. Pourvu que la prise de contrôle par les extrémistes islamistes ne conduise pas à des actions terroristes en Occident, tout va bien. On se plait alors, comme ici en France, à cristalliser le débat sur les limites de l’accueil des réfugiés afghans. L’indécence des riches, toujours.