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Le gouvernement veut tourner la page pour mieux imposer son libéralisme

par Philippe Allienne
Publié le 14 avril 2023 à 12:28

En attendant les conclusions du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites et, le cas échéant, sur la possibilité d’organiser un référendum d’initiative partagée, il est courant d’entendre se multiplier les commentaires sur l’essoufflement de la mobilisation et sur la fatigue des grévistes. Ces derniers ne le cachent d’ailleurs pas. Mais c’est aussitôt pour affirmer leur opposition frontale à la loi. Les organisations syndicales sont nombreuses à réfléchir à la manière dont elles vont réagir si le texte est approuvé par les Sages. Certes, le secrétaire général de la CFDT annonce qu’il n’emmènera pas ses troupes éternellement dans la rue et que, de toute façon, il respectera la décision du Conseil constitutionnel. Il n’en demeure pas moins qu’une immense majorité des Français refuse toujours la réforme et le report de l’âge de départ qu’elle impose. Il n’en demeure pas moins que la notion de crise démocratique dénoncée par les syndicats est entrée dans les esprits. La manière dont le président Macron a réagi après les propos de Laurent Berger à ce sujet montre à quel point l’exécutif et le gouvernement y sont sensibles. En fait, la fatigue est aussi du côté des gouvernants et des élus macronistes. Eux aussi attendent fébrilement la décision des Sages. Ils veulent tourner la page et passer à autre chose. À d’autres réformes par exemple : l’immigration, le plan contre le réchauffement climatique, la sécurité... Emmanuel Macron a d’ailleurs fixé un délai à la Première ministre pour qu’elle travaille au renforcement de ce plan de réformes. Et tandis qu’Élisabeth Borne appelle à laisser du temps aux syndicats pour qu’ils digèrent la pilule - elle ose parler d’un temps de convalescence comme s’ils étaient malades - le président continue dans sa logique. Il n’entend pas la demande des Français et il choisit d’enjamber le Conseil constitutionnel en proposant de recevoir les organisations après l’adoption définitive du texte. Voilà qui n’augure de toute façon rien de bon pour les semaines et les mois à venir. Les grèves et les piquets de grève ne sont pas uniquement motivés par la réforme des retraites. Sophie Binet, la nouvelle secrétaire générale de la CGT, l’a bien compris en venant, ce vendredi, soutenir les salariés de Vertbaudet, à Marquette-lez-Lille. Plus loin, à Boulogne-sur-Mer, les salariés de l’hypermarché Auchan organisent un rassemblement ce même vendredi matin, deux jours après le mouvement de leurs collègues de centre commercial Leclerc, à Saint-Amand-les-Eaux. À Boulogne, ils dénoncent la mise en place, annoncée pour la rentrée de septembre d’une nouvelle organisation. Au menu, on imposera beaucoup de polyvalence, un nouveau rythme de travail et une pénibilité accrue. Les risques pour la santé sont bien identifiés. Passer à autre chose, pour la classe dirigeante, c’est faire payer la crise du capitalisme aux salariés.