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Cet affrontement que recherche le gouvernement

par Philippe Allienne
Publié le 10 février 2023 à 15:57

Entre deux manifestations d’ampleur, Élisabeth Borne poursuit imperturbablement sa mission d’« explication » de la réforme des retraites. Venue à Lille à la rencontre des lecteurs de La Voix du Nord, elle a au préalable échangé avec les salariés de Sarbec Cosmetics à Neuville-en-Ferrain. Mais que cache donc cette communication à marche forcée ? À Lille, les élus et les syndicalistes qui souhaitaient lui exprimer leur opposition à la réforme ont été gentiment repoussés par la police qui ne les a pas lâchés d’une semelle. « Question de sécurité » a lancé un officier à une conseillère régionale ébahie en apprenant que sa présence était de nature à générer un danger. Plus tard, la délégation de salariés qui souhaitait être reçue par la cheffe du gouvernement a été éconduite. « Mme Borne explique, mais derrière les écrans » a commenté un syndicaliste. En vérité, le gouvernement veut faire passer sa réforme quoi qu’il en coûte. Alors, sous couvert d’explications et de communication, il n’exclut pas d’aller à l’affrontement. Il le recherche même. Quel est son but quand on sait que ce texte n’a pas le caractère d’urgence qu’on lui donne et quand on écoute les commentaires du Conseil d’orientation des retraites (COR). Ce dernier fait état d’un léger déficit du système de retraite dans les années à venir. Il prévoit un trou de 20 milliards d’euros en 2032. Le COR estime même qu’un retour à l’équilibre est possible sans avoir besoin d’une réforme. Il souligne par ailleurs que le déficit prévu, qui sert de prétexte à réformer et à reculer l’âge de départ, est dû à la diminution du nombre de fonctionnaires qui, mécaniquement, provoque une diminution des cotisations. En clair, c’est la faute de l’État lui-même. Et ce dernier veut faire payer cette faute par les retraités et particulièrement par les plus pauvres d’entre eux. Pour Emmanuel Macron, la réforme des retraites doit être son totem, contrairement à ce qu’il dit ou laisse dire par son gouvernement. Sa première tentative (un système de retraite par points) ayant avorté, il ne veut pas manquer celle-ci. Il ne sera plus président dans quatre ans, il lui faut imprimer sa marque. Au moins celle-là. Avec la réforme de l’assurance chômage, le projet de loi contre l’immigration, la loi Élan… il laissera l’empreinte d’un président anti-social mais tout dévoué à Bruxelles. Et c’est sans doute là que se trouve la seconde explication de son acharnement à faire passer la réforme des retraites : se plier aux injonctions européennes quitte à affronter le peuple qu’il est censé servir. Plus que jamais, la mobilisation populaire doit tenir.