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Hectar, rends le pognon !

par Philippe Allienne
Publié le 31 mars 2022 à 19:36

Hectar, c’est une école privée pour l’enseignement agricole. Mais pas n’importe laquelle. Ouverte en septembre 2021, elle a été fondée par Audrey Bourolleau sur un domaine agricole qui lui appartient, dans les Yvelines. Jusqu’en juillet 2019, celle-ci était la conseillère agricole d’Emmanuel Macron. Pour financer ce qu’elle qualifie de « plus grand campus agricole du monde », un homme de choix a été trouvé : le PDG du groupe Iliad-Free, 14e fortune de France et… ami d’Emmanuel Macron : Xavier Niel. Hectar présente une particularité : c’est une école gratuite. Mais privée quand même. On savait le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, très tourné vers le privé, on a la confirmation à présent que le privé a la préférence de la macronie tout entière. Sauf que dans le cas d’Hectar, cela ne semble pas bien marcher. Il y a six mois, le campus promettait 2 000 étudiants, deux exploitations-écoles en bio, du circuit court, un incubateur de start-up qui travaillerait avec l’école 42 de… Xavier Niel, de l’intelligence artificielle et des vaches connectées. On l’aura compris, Hectar, c’est l’agriculture du 21e siècle, c’est l’avenir radieux pour la filière. Or, en venant manifester et crier leur colère devant ce drôle de concurrent, les syndicats de l’Enseignement agricole public (EAP), qui se sont regroupés en collectif de défense, ont eu l’impression de trouver une coquille vide. Personne n’est venu à leur contact et pour cause. Sur les 2 000 étudiants annoncés, la moitié serait des élèves de troisième en stage d’observation. On comprend déjà mieux l’argument de la gratuité. Quant aux 1 000 autres étudiants, ils étudieraient en distanciel. Comment peut-on se former aux métiers de la terre et de l’élevage via un ordinateur connecté ? Enfin, Hectar aurait passé une convention avec un lycée public obligeant ce dernier à transmettre au campus privé les supports pédagogiques de ses enseignants. Le lycée a accepté parce qu’Hectar paie très correctement. Normal, il le fait avec l’argent que génère la formation continue. C’est donc de l’argent public. Ce système a été créé par la loi Pénicaud, du nom de l’ancienne ministre du Travail. Pour être le plus grand, selon sa patronne, Hectar n’est pas le seul établissement privé dans le domaine. Lactalis, par exemple, a créé un établissement dans la Mayenne. Mais en même temps, on apprend que l’EAP va subir la suppression de 300 postes d’ici la fin de cette année. Ce n’est pas le moment : d’ici à 2030, la moitié des agriculteurs partiront à la retraite et il est urgent de former leurs remplaçants. Cette formation est aussi très importante pour la révolution agroécologioque rendue indispensable par le changement climatique. On devine sans mal le cadeau que le gouvernement est en train d’offrir au secteur privé de l’enseignement agricole.