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La violence du mépris...

par Philippe Allienne
Publié le 7 avril 2023 à 09:57

Il est décidément de plus en plus difficile de comprendre la logique du président de la République et du gouvernement. Les historiens jugeront en leur temps. En donnant rendez-vous aux représentants de l’intersyndicale, juste à la veille de la 11e journée de mobilisation, et en sachant pertinemment que la réunion irait à l’échec, Élisabeth Borne rejoue la prestation télévisée d’Emmanuel Macron. Compte-t-elle sur les médias pour répandre l’idée d’un essoufflement du mouvement ? En toute connaissance de cause, elle sait que l’intersyndicale, soutenue par une très forte majorité des Français, ne cédera pas. Alors, veut-elle l’explosion en continuant le passage en force de la contre-réforme. L’explosion, puis le retour à l’ordre par la force ? Ce serait ne rien comprendre à l’exigence de démocratie et de transparence des Français, par-delà la contestation de la loi. De son côté, le chef de l’État joue la même partition, avec son style empreint de mépris : « Si les gens ne voulaient pas des 64 ans, ce n’était pas le président qu’il fallait mettre en tête au premier tour », a fait savoir l’entourage du président. Plus que de la morgue et de l’arrogance conduisant à attiser la colère des « gens » en question, c’est de violence que fait preuve Emmanuel Macron. Cette violence d’État n’est pas isolée. Elle suintait jeudi matin au micro de France Inter, quelques heures avant le départ des cortèges de contestation. À la manœuvre : le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, qui nie la réalité de la rencontre syndicats/Borne, qui nie l’existence d’une crise démocratique, qui nie l’échec du dialogue. Et dans la foulée, le même ministre défend les propos de son collègue de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui poursuivant son travail de clivage entre la « République » et les « casseurs d’extrême gauche », menace très clairement la Ligue des droits de l’homme. Il remet en cause les financements publics de cette association. La copie avec les élus d’extrême droite est plus vraie que nature. Elle surpasse les originaux. Dom Hélder Câmara, évêque de Recife (au Brésil) et champion de la théologie de la libération, disait ceci de la violence institutionnelle et de la répression : « Il y a trois sortes de violence : la première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »