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Le mirage de l’endémie

par Philippe Allienne
Publié le 11 février 2022 à 10:42

Ce n’est pas se rendre coupable d’une fixation contre le gouvernement et sa politique de santé que de se poser des questions sur la logique qui le meut. À entendre Olivier Véran, le Covid-19 est en net recul et le passe vaccinal, contre lequel manifestent les « convois de la liberté », pourrait disparaître d’ici le 1er avril. Peut-être même avant. En même temps, les messages incessants du gouvernement nous rappellent qu’il faut continuer à respecter les gestes barrière et éviter d’embrasser nos proches. On sait aussi que le nombre d’hospitalisations demeure conséquent. Passons sur l’obligation ou non d’une troisième dose de vaccin. Il est de plus en plus difficile de comprendre ce que fait le ministère. Il est cependant une explication possible : l’endémie qui semble faire rêver et espérer. Cette endémie remplacerait la pandémie et, en quelque sorte, apporterait une tranquillité d’esprit à tous : les citoyens lambda, les décideurs économiques, les décideurs politiques, les patrons d’hôpitaux, etc. Une endémie sonnerait donc la fin de la crise du Covid-19. Circulez, il n’y a plus rien à voir, on se détend. Sauf que rien ne prouve scientifiquement cette idée. Le rhume est certes endémique. C’est une infection gênante, mais pas dangereuse. Nous y sommes toutes et tous soumis plus ou moins régulièrement. Cette infection est permanente sur un territoire donné, ses taux d’incidence sont stables. Mais on peut dire la même chose pour le paludisme ou la poliomyélite dans d’autres parties du monde. Ainsi, une maladie peut être endémique et dangereuse. En 2020, le paludisme a tué plus de 200 000 personnes, 10 millions de personnes ont contracté la tuberculose et 1,5 million en sont mortes. Or, que sait-on exactement du Covid-19, sinon que ses variants se comportent et réagissent de manière différente ? Il ne semble donc pas raisonnable de souhaiter une endémie de ce coronavirus si cela revient à accepter complaisamment une circulation incontrôlée du virus. L’hypothèse d’une endémie bénigne et inévitable peut risquer de conduire à des années supplémentaires de maladie, à des vagues imprévisibles et au sacrifice des personnes les plus fragiles. Il faut espérer que nos dirigeants ne sombrent pas dans une tentation de banalisation de la maladie et de la souffrance qu’elle génère.