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Le voile de l’ambiguïté

par Philippe Allienne
Publié le 7 octobre 2022 à 13:20

Le mensonge de Sandrine Rousseau qui, sur une radio publique, veut faire croire que les sifflets qui lui ont été adressés étaient aussi dirigés contre d’autres élus, et la réaction ignoble de Danièle Obono, élue de la République, ne peuvent dissimuler un réel malaise. En participant à la manifestation de soutien aux femmes iraniennes, Sandrine Rousseau a suscité beaucoup d’hostilité. Non pas en raison de son soutien à des femmes qui se battent contre une dictature et un État des plus rétrogrades, mais à cause de l’ambiguïté de sa position sur le port du voile islamique. Depuis les premières affaires du voile porté par quelques rares jeunes lycéennes, au début des années 90 (au lycée Faidherbe de Lille notamment) en passant par les lois de 2004 (sur la réglementation du port des signes religieux à l’école publique), jusqu’à celle de 2010 (interdiction dans l’espace public des tenues destinées à dissimuler le visage comme le niqab ou la burqa), le débat n’a jamais cessé. Il y a une trentaine d’années, tandis que de nombreuses femmes manifestaient en Algérie, avec le courage des Iraniennes de 2022, contre la menace meurtrière des islamistes et la volonté de ces derniers de les réduire au statut de mineures à vie, d’autres, ici en France, défendaient leur liberté de porter ce morceau de tissu. À l’époque, on ne parlait pas encore d’islamo-gauchistes, mais le cœur y était. Ce qui est étonnant, c’est que trente ans plus tard, et plus de 45 ans après la bien mal nommée « révolution » iranienne qui s’est vite appliquée à faire dans la lapidation des femmes, les idées demeurent aussi confuses. C’est cela que les siffleurs ont reproché à Sandrine Rousseau (qui est loin d’être isolée dans ce cas). On peut vraiment difficilement, aujourd’hui, défendre les droits et la liberté des femmes qui veulent s’affranchir, avec de nombreux hommes, d’une dictature tout en défendant la liberté de celles qui souhaitent, ici, afficher dans l’espace public leur religion et leur appartenance à une communauté. Si rien ne les en empêche, et c’est bien normal, nous ne pouvons ignorer la volonté à peine dissimulée de certains et certaines de provoquer notre modèle républicain, voire de le combattre. Nous voyons bien ce que les ayatollahs ont fait de l’Iran, le pays d’Omar Khayyam. Aujourd’hui, une police des mœurs assassine froidement pour une mèche de cheveux apparente. Que peut signifier, dans le pays de Robespierre, l’idée de revendiquer le libre choix de porter le symbole de l’asservissement féminin face au patriarcat et à la culture machiste qui se défend ? « Radicale » en matière de défense de l’écoféminisme au point de s’ériger en procureure, Sandrine Rousseau veut afficher un libéralisme qui confine à la défense d’un corporatisme qui est loin de ses idées.