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Pourquoi l’hypothèse référendaire n’est pas une vue de l’esprit

par Philippe Allienne
Publié le 3 avril 2023 à 09:55

Saisi par les parlementaires de la Nupes, le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur la recevabilité de leur demande d’organiser un référendum d’initiative partagée (RIP). Pour les opposants à la réforme des retraites, et on sait combien ils sont majoritaires, cette hypothèse référendaire pourrait être une porte de sortie, mieux : une réponse correspondant à leurs attentes. Car si les sages donnent leur feu vert, une consultation des citoyens sur le texte qui vient d’être adopté par un coup de force (l’usage de l’article 49.3 de la constitution) aurait toutes les chances d’aboutir sur le rejet de la loi. D’ici là, et nous restons dans les hypothèses, il serait compliqué pour Emmanuel Macron de promulguer la réforme (si le même Conseil constitutionnel ne la retoque pas) pour, un an plus tard, être obligé de la retirer. Quoi qu’il en soit, l’idée de lancer un RIP s’inscrit fort logiquement dans le climat de contestation actuel. Les manifestants qui investissent massivement la rue depuis deux mois affichent leur colère contre un président qui se comporte davantage en chef d’entreprise qu’en chef d’État d’une République démocratique et contre un gouvernement qui refuse d’entendre. Ils ne se contentent plus de demander le retrait du texte, ils exigent une démocratie plus large, plus horizontale, mieux adaptée. Ce n’est pas un hasard si la jeunesse a rejoint les cortèges avec autant de force. Non seulement ils font mentir les arguments gouvernementaux voulant que la réforme est faite pour leur avenir, mais ils crient leur rejet d’un système démocratique dans lequel ils ne se reconnaissent pas. Si le gouvernement continue de ne pas entendre, ils sauront se souvenir. Emmanuel Macron et son équipe donnent l’impression de ne pas s’être aperçu que le rapport à la politique change au fil des générations. Le temps est révolu des citoyens déférents qui, par la voie électorale, se contentaient de déléguer leurs responsabilités aux élus. On vote quand il y a un enjeu réel, pas par obligation. Cela ne traduit pas un désintérêt pour la politique mais une demande d’expression permanente. La manifestation, le pétitionnement, le blocage de lieux publics ou privés et la participation remarquée des jeunes (lycées, universités, entreprises, ports, etc.) font partie de cette demande d’expression. En clair, la forme de démocratie relative, avec sa verticalité et ses débats policés ne correspond plus aux attentes des citoyens. Ces derniers entendent participer pleinement à la vie du pays, ils entendent maîtriser leur avenir. Leur exigence de démocratie est telle que l’offre démocratique proposée par le pouvoir est insuffisante. Avec le dossier des retraites, Emmanuel Macron et Élisabeth Borne jouent avec le feu. Ils risquent d’attiser une colère telle qu’elle remettra en cause les institutions. Pour eux aussi, un référendum d’initiative populaire pourrait être une porte de sortie.