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Un président sourd et aveugle qui tue le dialogue social

par Philippe Allienne
Publié le 24 mars 2023 à 12:34

Si son intention était de reprendre la main, le président de la République a manqué son objectif. En s’exprimant pour la première fois à la télévision (TF1 et France2) depuis l’adoption de la réforme des retraites, ce mercredi 22 mars, il n’a fait que s’enfoncer dans son obstination et s’est isolé encore un peu plus des Français. Selon un sondage réalisé par Toluna Harris Interactive, pour le compte de LCI, ils étaient juste 30 % à trouver Emmanuel Macron convaincant. Donnée intéressante de cette enquête, 47 % des Français estiment que cette intervention va conduire à un renforcement de la mobilisation. Cette mobilisation demeure soutenue par les deux-tiers des Français. Le soufflet ne semble donc pas retomber. Plus de 300 manifestations ont lieu dans toute la France le jeudi 23 mars. Gonflé de certitude et d’arrogance, Emmanuel Macron assume son impopularité et affirme que le texte doit entrer en vigueur d’ici la fin de l’année. À contre-courant des observations du Conseil d’orientation des retraites, il continue à s’appuyer sur la démographie et l’augmentation du nombre de retraités pour justifier la réforme et le recul du départ en retraite à 64 ans. Il n’hésite pas à brandir un graphique publié par le journal Le Parisien pour démontrer que nous partons plus tôt que nos voisins européens. Il oublie simplement de tenir compte de l’âge effectif de départ pour toucher une retraite complète. Y allant allègrement de ses contre-vérités, le président n’hésite pas à s’en prendre à la rigidité des syndicats qui auraient refusé de discuter et de n’avoir proposé aucun compromis. Une accusation qui n’a d’ailleurs pas manqué de faire réagir le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui l’accuse de « déni » et de « mensonge ». Décidément inflexible sur les 64 ans, Emmanuel Macron demeure imperturbable, droit dans ses bottes. Peu importe la rue, peu importe ce qu’en pense le peuple. Et c’est là qu’il franchit un pas impardonnable. Non seulement il en arrive à nier l’importance de la mobilisation depuis deux mois (jusqu’à en oublier le nombre de manifestants le 7 mars dernier), mais il soutient ses déclarations précédentes sur la foule qui « n’a pas de légitimité ». Pour ce faire, il évoque les violences de ces derniers jours et il ose se référer à l’assaut du Capitole, aux USA en janvier 2021, par les partisans de Trump, et la prise d’assaut, en janvier dernier, de la place des Trois-Pouvoirs à Brasilia par les partisans de Bolsonaro. « Quand les États-Unis ont vécu ce qu’ils ont vécu au Capitole, quand le Brésil a vécu ce qu’il a vécu, (...) il faut dire “on respecte, on écoute” (...) mais on ne peut accepter ni les factieux ni les factions. » La messe est dite. Pour Emmanuel Macron, le mouvement social intersyndical et intercatégoriel qui anime le pays est ramené à des factieux. Le dialogue social fait les frais de l’absence de culture politique de notre président.