Great America !

par ERIC BOCQUET
Publié le 22 février 2019 à 09:31

Oui la grande Amérique, celle à qui Trump veut rendre sa grandeur pour dominer le monde, vieux fantasme communiste anti impérialiste ? Pas vraiment à regarder certains chiffres. Les Etats-Unis, à l’image de leur actuel président, sont souvent dans la démesure.

Commençons par Jeff Bezos, le PDG d’Amazon dont la fortune personnelle dépasse les 150 milliards de dollars. Un homme très brillant indiscutablement. Son entreprise, Amazon, a réalisé en 2018 un bénéfice de 11.2 milliards de dollars mais ne payera pas un centime d’impôt au titre de l’an dernier. Il aura fallu 21 ans à notre « petit » champion national du CAC 40, Bernard Arnault, pour passer du statut de millionnaire à celui de milliardaire. Pour M. Bezos deux années auront suffi. Démesure vous dis-je.

En Amérique comme chez nous le débat sur les impôts est permanent. En début d’année, une sénatrice démocrate du Massachusetts, Elisabeth Warren, a fait une proposition de taxation des plus riches de son pays. Elle propose d’appliquer un impôt aux 0,1% des plus riches américains.

Cette disposition appliquée aux ménages disposant d’un capital net de 50 millions de dollars minimum (45 millions d’euros) rapporterait en dix ans 2750 milliards de dollars, soit 2,75 trillions (pour ceux qui ne sont pas habitués à ces chiffres parmi la communauté de lecteurs de notre hebdomadaire préféré, 1 trillion = 1 milliard de milliards).

C’est encore loin, l’Amérique ?

La sénatrice présente ainsi les choses, selon une étude de deux économistes de l’université de Californie à Berkeley, les 0,1 % les plus riches ont vu leur part de richesse pratiquement tripler de 7 % à 20 % entre la fin des années 70 et 2016, tandis que les 90 % les plus « pauvres » ont vu la leur décliner de 35 % à 25 % sur la même période. Dit autrement, les 130 000 familles les plus riches aux USA possèdent désormais autant de richesse que les 117 millions des familles les plus pauvres.

C’est encore loin l’Amérique ? Pas vraiment. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, dans un discours récent prononcé au ministère lors des « Journées de Bercy » a eu ces mots incroyables : « Nous ne pouvons pas continuer à produire de la croissance en acceptant ainsi d’aggraver les inégalités, nous devons réformer le capitalisme ». Nous, de ce côté-ci, on pense qu’il est temps de le dépasser et de construire une société de justice et de partage. Great America ?