La peur de 2019...

par ERIC BOCQUET
Publié le 1er août 2019 à 16:15

Référence à celle de juillet-août 1789 : peu de temps après la prise de la Bastille, une sorte de peur panique s’empara du pays, le tocsin sonnait dans les campagnes et les villes. La peur des brigands qui entraîna l’émigration de la noblesse, la réponse qui éteignit l’incendie, l’abolition des privilèges lors de la fameuse nuit du 4 août 1789. Pourquoi ce rappel à la veille de la suspension estivale de notre hebdomadaire préféré ?

Cette année 2019 a été marquée incontestablement par ce fameux mouvement dit des Gilets jaunes. Un mouvement qui a contrarié sensiblement la marche en avant du macronisme mais a eu aussi des conséquences inattendues dont il a été, en somme, assez peu question. Je veux parler de la véritable angoisse qui a saisi chaque samedi de fin 2018 et début 2019 les habitants des beaux quartiers de l’ouest parisien. Car, à partir du samedi 1 er décembre, la violence s’est installée aux portes des immeubles cossus des arrondissements chics. Pour la première fois de leur vie, les habitants des huitièmes et seizièmes arrondissements parisiens, les plus huppés de la capitale, ont subi la violence aux portes de leurs appartements, craignant pour leurs biens et parfois pour leur vie.

Jusque-là, la casse ils la voyaient sur les chaînes infos dans leurs salons douillets. La peur s’est installée, amplifiée par les réseaux sociaux, à tel point que dans les jours et les semaines qui suivirent les violences du 1 er décembre, une poignée de grands patrons, proches du Président, l’appellent affolés : « Il faut céder comme en 68 ! ». Tout à leur frayeur, certains iront même jusqu’à suggérer le rétablissement de l’ISF !

Curieusement, ce mouvement n’est, à aucun moment, dirigé contre les entreprises, il s’en prend à tous ceux qui peuvent incarner « l’élite ». Les riches fuient la capitale, l’habitude est rapidement prise de s’exiler tous les week-ends.

Le premier trimestre enregistre un boom de fréquentation sur la côte normande mais aussi en Bretagne et dans les Hauts-de-France (Nord-Pas-de-Calais, une tradition de l’accueil !), + 55 % dans le Calvados. La seule commune de Deauville voit son taux augmenter de 55 % ! Refuge idéal, deux heures et demie d’autoroute de Paris, hôtels et restaurants en pagaille, une offre pléthorique d’enseignes chics, de Hermès à Benetton en passant par les marques de prêt-à-porter haut de gamme.

Aujourd’hui tout semble être rentré dans l’ordre, l’ordre inégalitaire profond de ce monde libéral. Mais nos gouvernants seraient bien avisés de se méfier, la braise couve sous la cendre, cette société est fracturée, elle exclut… ça tient tant bien que mal pour l’instant… L’alternative est un chantier permanent, une démarche patiente et déterminée. Bonnes vacances en liberté !